Mayotte devra absorber trois étapes de décentralisation en une. Pratiquement impossible selon certains élus. Mais les enjeux sont aussi financiers et le débat sur son impact, organisé à Combani, promet d’être mené sur le mode interrogatif voire négatif…
Le Centre national de la fonction publique territoriale de Mayotte et le syndicat des directeurs généraux des services de Mayotte organisent mercredi et jeudi à Combani un séminaire sur le thème « Impact de l’acte III de la décentralisation sur les collectivités territoriales ».
Depuis les débats qui opposaient en 1789 Jacobins, défenseurs d’un Etat centralisé, et Girondins, favorables à un Etat fédéral, la décentralisation est devenue très tendance. Cette action qui permet à l’Etat de transférer ses compétences vers les collectivités locales s’est accélérée en 1982 avec les lois Deferre, considérées comme l’acte 1, ainsi que le précisait le secrétaire général François Chauvin, « où la tutelle du préfet a été supprimée pour la remplacer par le contrôle de légalité et qui transfère l’exécutif au président du Conseil général ».
Depuis, la métropole a connu l’acte 2 avec un renforcement de l’autonomie financière des collectivités locales et François Hollande a décidé de mettre en place depuis cette année le 3ème acte. Il s’agit de « libérer les initiatives de terrain », résumait Michel Namura, directeur général des services de Saint-Ouen, qui a travaillé pour l’ancien ministre Alain Richard.
Mayotte n’en a pas fini avec l’acte 1…
C’est le challenge qui est proposé à Mayotte : intégrer ces phases successives de décentralisation que la métropole a mis 30 ans à digérer, « alors que nous n’avons toujours pas assumé les prérogatives que la décentralisation 1 nous allouait », critique avec justesse Jacques-Martial Henry, 2ème vice-président du Conseil général en détaillant : « Nous n’avons pas d’Office de l’eau, pas plus que d’Observatoire des mineurs en danger alors que la décentralisation 3 nous délègue la compétence sur les constructions de collèges et lycées ! Aucune structure n’est en place pour porter ce projet ».
C’est certainement une des raisons de l’absence des conseillers généraux et des maires, également occupés à préparer leurs élections municipales. Ce qui amenait l’ancien président du Conseil général Ahamed Attoumani Douchina à poser l’à-propos d’un tel séminaire dans un calendrier qui va remanier la carte des élus. « Les écrits et les débats qui en sortiront seront profitables à tous », répondait Jérémy Blasquez, directeur régional du CNFPT (Centre national de la fonction publique territoriale).
L’intérêt recherché dans la décentralisation est double. Le premier est de responsabiliser des conseillers municipaux « qui sont amenés à voter des budgets considérables sans être élus au suffrage universel direct », rapporte Michel Namura, ce qui ne sera plus le cas pour les communes de plus de 1000 habitants (3500 habitants auparavant).
Un acte 3 recentralisateur
Mais l’intérêt est également de réaliser des économies d’échelle : « Il faut supprimer le flou et les redondances », en clair et dans la bouche du préfet Witkowski : « s’attaquer à ce que la vox populi appelle le millefeuille administratif” et “dans une période où la ressource financière territoriale se raréfie et où il faut effectuer des coupes dans les dépenses publiques », complète Michel Namura. Qui rappelle que François Hollande s’est fixé un but : « Economiser 750 millions à 1 milliard et demi d’euros en deux ans sur les collectivités territoriales ». Ce qui appelle à un contrôle accru des préfets et qui renomme cet acte 3 en “recentralisation”…
A ce compte, adaptabilité ou pas, Mayotte devra suivre. La décentralisation appelle une contrainte de la part de l’Etat : transférer les ressources correspondant aux nouvelles compétences exercées par la collectivité.
Cet acte troisième du nom est en cours d’étude sur trois projets de loi… Quand le quatrième acte est déjà dans l’air : « A terme, qui pourrait être l’horizon 2017, les départements seront vraisemblablement intégrés dans des supra régions, plus fortes à l’échelle européenne », anticipe Michel Namura.
Anne Perzo-Lafond
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