27.9 C
Dzaoudzi
samedi 12 octobre 2024
AccueiljusticeEn djellaba et armé d’un pistolet-jouet : Il joue le rôle de...

En djellaba et armé d’un pistolet-jouet : Il joue le rôle de sa vie

Le box réservé aux accusés arrivant sous escorte
Le box réservé aux accusés arrivant sous escorte

Maanfour*, 23 ans, vit sa vie comme un film. Un film de série noire, mais dans sa tête, jamais de série B. Il a besoin d’être la vedette, ce qui l’a incité le 21 janvier dernier, à déambuler boulevard des Crabes en Petite Terre, vêtu d’une djellaba, et armé d’un pistolet. Les gendarmes eux, connaissent leur rôle dans ce cas là, et celui du lieutenant-colonel Pech et du chef d’escadron Bichon, fut de stopper net un individu menaçant pour la paix publique, et qui refusait de ranger son arme.

Avant l’arrivée du prévenu, les gendarmes viennent prévenir discrètement la procureur Prampart de son état de grande agitation. A peine entré dans le box des accusés, Maanfour interpelle le président du tribunal, Laurent Sabatier, sur la présence d’un homme dans la salle : « Lui c’est un violeur, je ne veux pas le voir ! »

L’interprète s’assied devant lui, à l’extérieur du box, mais il lui intime l’ordre de se taire, « vous me perturbez, je m’adresse au président. » La suite montrera que ses propos n’ont pas besoin d’être traduits. Le président ne parvient pas à revenir sur l’énoncé de faits sans être entrecoupé par Maanfour d’un « comment dirais-je ? », « certes ! ». Et alors qu’il l’interroge sur les raisons de sa présence Boulevard des Crabes en djelabbah blanche un pistolet à la main, il s’entend répondre, « et vous ? Pourquoi êtes-vous habillé d’une robe noire ? »

« La difficulté d’être »

Essayant malgré tout de lui faire comprendre qu’il était perçu comme menaçant, Maanfour balaye les arguments, « votre langage est trop soutenu monsieur le juge. » Il explique qu’il comprend qu’on ait pu le prendre pour un terroriste, on peut même penser que c’était l’effet consciemment recherché, et il explique ce comportement décousu : « Mes actions sont dues à la maltraitance infantile dont je fus victime dans ma tendre jeunesse, violé par mes proches, par celui-là qui est dans la salle, qui a aussi déshabillé mon frère. »

Il a été vu par un psychiatre à l’hôpital qui n’a pas conclu sur une nécessité de soins. « De toute manière, qui détient les modalités de l’accès aux soins ? », interpelle-t-il les juges en collégialité, peu habitués à avoir de telles remarques depuis ce box.

tgi-mamoudzou-a-kaweniParvenant malgré d’incessantes interpellations du prévenu, à maintenir le déroulé de l’audience, Laurent Sabatier pose la question habituelle : « Que faites-vous de votre vie ? » « Je suis tombé amoureux de mon corps, je l’envie. » Le juge poursuit, « mais votre cerveau domine votre corps ? Vous êtes donc un homme libre ? », « Pas tout à fait monsieur le juge », lance-t-il à propos.

De bangué et d’eau fraîche

Ce fut un lycéen de terminale en Spécialité de service à la personne, il a obtenu un BEP. « Vous vivez de quoi ? », retente le président, « D’eau fraîche, les filles c’est trop difficile à avoir ! Mais toutes ces questions, c’est Questions pour un champion ?! »

Il dort vraisemblablement dans la nature, tente de philosopher sur la différence entre l’Homme et l’homme, avoue « mâcher du bangué », tout en assurant, « dire que ça fait perdre la tête, c’est un stéréotype. »

Enfin, il demande à déposer plainte pour avoir été violé par les gendarmes qui l’encadrent, « ils ont dit que c’était la procédure, je voudrais en être certain ! »

la-salle-daudience-du-tgi-de-mayotteLa procureur n’aura le temps que de prononcer une phrase avant d’être interrompue, « nous avons affaire à un personnage particulier, peu équilibré qui brandissait une arme à feu »…. « Obstruction ! C’était un jouet ! », « Vous voulez dire ‘objection’, c’est un terme de la justice américaine. Si vous ne vous taisez pas, on poursuit sans vous », rétorque Laurent Sabatier. Lui enlever la vedette alors qu’il se veut être le chef d’orchestre de son procès, pas question. Il écoutera la suite sans bouger le petit doigt.

Feuilleton américain

La procureur replace le débat non sur la morale, « malgré le contexte tendu de l’état d’urgence sur le territoire national et la situation qui n’a pas dégénéré grâce au sang froid des gendarmes », mais sur le droit, « il faut requalifier le fait de port d’arme de catégorie B en catégorie D, c’est à dire incapacitante. » Il n’y a pas la volonté de blesser, mais la peur infligée à la population est prise en compte.

Maanfour est incarcéré à Majicavo pour d’autres faits, « ceux de profanation de tombes au cimetière de Petite Terre où il dort. » Le parquet demande 5 mois d’emprisonnement ferme.

Le témoignage de sa maman va jouer, qui décrit un jeune adulte « pas méchant, pas dangereux, mais insultant et qui s’énerve vite. »

« Je plaide coupable ! », lancera-t-il solennellement en levant sa main droite à l’américaine, « j’ai juste besoin d’un psychanalyste. » Et avisant les journalistes, « ils notent quoi ? Ce sont des colporteurs ! »

Les juges en collégialité le condamneront à 3 mois de prison avec sursis, « votre discernement n’est pas aboli, juste un peu altéré par la consommation de produits interdits. Au fait, vous êtes bien champion de la provocation ! »

Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte

  • Nom d’emprunt
Anne Perzohttps://lejournaldemayotte.yt
Anne PERZO Le journal de Mayotte https://lejournaldemayotte.yt

1 COMMENTAIRE

Comments are closed.

RESTONS EN CONTACT

Inscrivez-vous à la lettre d'information du JDM afin de garder en oeil sur l'actualité mahoraise

L'actualité

AVIS DE CONSTITUTION AUTO SHOP 976

139508
  Par acte SSP du 14/09/2022, il a été constitué une SAS dénommée : AUTO SHOP 976 Siège social : 25 Rue Bahoni 97615 Pamandzi Capital :...
+26
°
C
+27°
+24°
Mamoudzou
Samedi, 04
Dimanche
+25° +24°
Lundi
+25° +24°
Mardi
+25° +24°
Mercredi
+25° +24°
Jeudi
+25° +24°
Vendredi
+25° +24°
Prévisions sur 7 jours
Campagne, politique, Mayotte

Tribune – De l’art du discours à la formule

139508
Qui pour relever les défis de nos grands orateurs du passé ? Peu de noms émergent de la tribune de Madi Abdou N'tro, voire aucun, sur les dernières campagnes, laissant sans doute "un sentiment d'imposture" chez les électeurs

Départementales Sada : remaniements en vue au conseil départemental

139508
L’issue du scrutin a parlé : c’est donc le binôme Soula Saïd Souffou/Mariam Saïd Kalame qui intègre les bancs de l’assemblée départementale. Ce qui implique des réélections au menu du conseil départemental les jours prochains. Avec l’éventualité d’une refonte complète des vice-présidences, comme nous l’expliquons

Départementales partielles : Soula S. Souffou et Mariame S. Kalame élus avec 52,26% des voix

139508
Ils étaient en tête au premier tour, et ont creusé l’écart à l’issue du second : le binôme surprise Souffou/Kalame qui n’était pas présent sous cette configuration en 2021, est le nouveau duo d’élus qui intègre le conseil départemental.
Comores, Azali Assoumani

Comores : un ténor de l’opposition appelle à une désescalade politique

139508
L’ancien gouverneur de la Grande-Comores, Mouigni Baraka Said, estime qu’il est temps de dialoguer avec le président Azali Assoumani dans l’intérêt du pays et de la population. L’homme politique se reconnait toujours dans l’opposition mais s’oppose toutefois à "ces querelles sans fin et sans véritable perspectives de sortie de crise". Une démarche mal digérée par les autres opposants qui refusent tout dialogue avec le président Azali Assoumani depuis son élection le 24 mars 2019.
Départementale, Sada, Mayotte

Départementales partielles à Sada : Saïd Souffou-Mariam Kalame en tête

139508
Le 1er tour de l'élection partielle des conseillers départementaux du canton de Sada se tenait ce dimanche 25 septembre. Le canton est toujours scruté de prés pour être l'un des épicentres politiques locaux. Les élections...