On se demande parfois à quoi peuvent servir les missions à répétition. Une phrase du député LREM Stéphane Mazars, qui faisait partie de la mission parlementaire en septembre, donne une idée de leur impact. Lors d’un compte rendu oral de leur séjour de septembre 2018 à Mayotte devant la Commission des Lois ce mardi 22 janvier 2019, il expliquait ainsi à ses collègues députés : « Ce séjour à Mayotte aura été pour moi une découverte, et la confirmation du fait que les lois que nous votons, et qui ont vocation à s’appliquer à tous les territoires de la République, nécessitent parfois de faire l’objet d’une adaptation pour coller au plus près des réalités. »
Son collègue LR Philippe Gosselin renchérit : « Ce n’était pas mon premier déplacement dans ce territoire, et je dois dire que la situation que j’ai découverte sur place m’a semblé pire que celle que l’on pouvait observer il y a quelques années. L’immigration est le principal problème à Mayotte dans la mesure où il affecte l’ensemble des autres politiques publiques au point d’être devenu une entrave non seulement à la sécurité, mais également au développement économique et social du territoire. » Il rajoutait, « si je regarde dans le rétroviseur, le regret que je peux avoir c’est que, quels qu’aient été les gouvernements successifs, la République ne se soit pas suffisamment préoccupée de Mayotte. »
Fonctionnaires « motivés » mais quittant l’île « sitôt que leurs enfants sont en âge d’entrer au collège », difficulté pour les entreprises d’attirer des cadres… « La pression migratoire se traduit donc par une évidente dégradation des conditions de vie, à laquelle nous devons nous efforcer de remédier – ce qui est compliqué, car cela dépend en partie du bon vouloir des autorités comoriennes et de leur capacité à réintégrer sur leur territoire leurs ressortissants interpellés à Mayotte et ayant fait l’objet d’une reconduite », complétait Stéphane Mazars.
« L’action remarquable » du préfet Sorain
Yaël Braun-Pivet remarque que « beaucoup a été fait au cours de la période récente, « des engagements ont été pris, le 17 mars 2018, par la Ministre des outre-mer (…) des mesures d’urgence (sécurité des établissements et des transports scolaires, lutte renforcée contre la délinquance et l’immigration clandestine) », et souligne que « le préfet, Dominique Sorain, nommé au mois de mars de l’année 2018, conduit une action remarquable avec l’ensemble des chefs des services de l’État. »
Etaient énumérés les efforts récents, la loi Egalité réelle en Outre-mer, avec les « cadres d’avenir », la prise en charge du RSA par l’Etat, le FMDESC à nouveau doté de 9,5 millions d’euros, la dotation spéciale de construction et d’équipement des établissements scolaires à Mayotte. Notant aussi qu’il reste encore « beaucoup à faire pour rendre Mayotte attractive, en sus des grands équipements, nécessaires au développement économique de l’île, des routes, des écoles, de l’habitat, de l’assainissement… »
Yaël Braun-Pivet le répète, « la France a une responsabilité particulière. À l’évidence Paris s’est trop souvent contenté d’administrer Mayotte, sans vision d’ensemble, ne changeant rien, n’apportant rien. »
Un gouvernement informé
En conséquence, devant la commission des Lois, les députés invitaient « tout en restant dans le cadre de la République, à prendre en compte le besoin d’adaptations ». « Agir sans attendre » pour « inciter les membres de la commission des Lois qui le peuvent à travailler sur ces sujets », mais aussi, « inviter le gouvernement à prendre en compte le fruit de nos déplacements », sont les conseils qu’ils donnent.
Et agir, pour un législateur, c’est comprendre comment travailler au plus prés des besoins du territoire. Et même s’il prend des pincettes, « peut-être n’est-ce pas totalement politiquement correct », Philippe Gosselin invite à lutter « contre le détournement des droits et des procédures dans lequel s’engouffrent parfois des candidats à l’immigration de façon indue. Il ne s’agit pas de rejeter ceux qui ont besoin d’être assistés, secourus et accueillis, mais de combattre avec clarté et fermeté les détournements des droits et des procédures, faute de quoi les choses se font au détriment de tous, et en particulier de ceux nos concitoyens qui vivent sur place. » L’amendement du sénateur Thani à la Loi asile immigration, est citée en exemple.
En conclusion de leur intervention en commission, les députés témoignaient du potentiel : « Mayotte souffre d’une image regrettablement négative, alors que c’est un territoire magnifique (…) Mayotte est un très bel exemple qu’il faut protéger, pour cela, il faut l’aider. »
(Lire le Rapport d’information mission Braun-Pivet)
Anne Perzo-Lafond
Comments are closed.