Faut-il quitter Mayotte pour bénéficier d’une meilleure éducation ? Cette question est plus que jamais d’actualité avec 75% des jeunes Mahorais qui rencontrent d’importantes difficultés scolaires – alors que la moyenne nationale est de 10%. Autre chiffre effarant : 44% des Mahorais de moins de 18 ans seraient illettrés, selon l’Observatoire des Inégalités.
L’expatriation choisie ou forcée, Mariama en a fait l’expérience. En 2011, cette jeune Mahoraise originaire de Tsingoni désire s’inscrire en Bac pro après un CAP obtenu à Sada. Mais, faute de places à Mayotte, Mariama s’exile à Castelsarrasin, en région Midi-Pyrénées, où elle rencontre de sacrées déconvenues.
L’hiver, d’abord, l’éprouve. Les méthodes de travail en Métropole la déconcertent : ce n’est pas tant le niveau de la classe de Première que la méthodologie, et notamment la prise de notes rapides, qui l’empêche de suivre. Elle a du mal à s’adapter, ne tient pas le rythme. Quant à la camaraderie, elle laisse à désirer : « J’étais la seule Mahoraise mais aussi la seule Noire de la classe. On m’a tenue à l’écart. A chaque fois qu’il y avait du travail à faire en groupe, j’étais exclue. Mes camarades de classe connaissaient peu Mayotte, aucun d’entre eux n’y était jamais allé. La seule vision qu’ils en avaient était celle que leur donnait la télévision. ‘Ça craint là-bas’, me disaient-ils souvent, en faisant référence à la délinquance, à la question des mineurs isolés, à l’immigration clandestine… »
Un 7 de moyenne se transforme en 15
A l’issue de cette année difficile, Mariama obtient une moyenne générale de 7. Ainsi, lorsqu’une place se libère en Première Bac pro à Mayotte, la jeune Mahoraise saute sur l’occasion. Et son 7 de moyenne se transforme en 15. Elle décroche alors son Bac avec mention bien en 2013, à Sada. Mais cette année, Mariama veut poursuivre ses études dans le supérieur. Elle récidive donc et intègre une première année à l’IUT de Figeac, en septembre 2013. « À l’IUT, c’est mieux. Mes camarades de classe sont plus ouverts, ils viennent vers moi, essaient d’échanger. » Et les premiers cours se déroulent pour l’instant sans encombre puisqu’il s’agit de révisions de Terminale. Mais Mariama ne se sent pas soulagée pour autant.
Il y a d’abord la question de l’argent. La jeune fille de 23 ans bénéficie d’une bourse sur critères sociaux mais ne sait pas si cela suffira à subvenir à ses besoins toute l’année. Ses parents – son père est ouvrier et sa mère est fonctionnaire – peuvent un peu l’aider en cas d’urgence. Et puis, décidément, elle ne se plaît pas en Métropole. Le climat et le « chacun pour soi » la démoralisent. Sa famille et ses voisins lui manquent. Elle vit en centre-ville mais se sent seule. « J’ai du chagrin mais je dois vivre avec. Je n’ai pas le choix si je veux réussir. » Ainsi, Mariama envisage de continuer en Licence professionnelle. Si tout se passe bien, si elle tient en Métropole. Et ce ne sera que pour mieux retourner à Mayotte par la suite.
Ornella Lamberti
Correspondante métropole pour le Journal de Mayotte
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