C’est l’histoire de trois hommes qui dirigeaient des structures agricoles, brassaient de l’argent public et qui finalement se retrouvent devant la justice. «L’affaire Dani Salim» a traîné pendant huit ans. Mais la sentence a fini par tomber ce matin. Les peines sont lourdes : prison avec sursis et amendes record.
Les trois hommes s’étaient présentés à la barre, le 11 septembre dernier, dernier acte en date d’une procédure beaucoup trop longue : Dani Salim, Madjidi Andhume et Madi Laguerra.
Tous trois occupaient des postes dans plusieurs organisations agricoles dont le groupement des producteurs de bananes et le groupement des producteurs et agriculteurs de Mayotte. Présidents, trésoriers, les postes changent au fil des années, mais les pratiques posent problèmes, de quoi poursuivre les trois hommes pour… 17 chefs d’accusation différents.
Il y a des détournements de fonds pour des retraits d’espèces, des encaissements ou des virements non justifiés : 5.950€, 3.227€, 7.886€, 10.000€, 19.060€… « C’est le fonctionnement, critiquable ou non, d’une structure qui ne dispose pas de carte bancaire. Donc, on utilise de l’espèce, vous savez comment ça fonctionne Monsieur le président », avait plaidé Me Chauvin, l’avocat de Dani Salim, lors de l’audience. « Oui je sais, répondit sûr de lui le président Rieux. En bon fonctionnaire, quand je sors 10 centimes, si je veux me les faire rembourser, il me faut des justificatifs ! »
Les poursuites portent également sur de l’abus de confiance, recel d’abus de confiance ou encore des fausses factures pour couvrir des dépenses non justifiées.
Et ce n’est pas tout. Les structures dirigées par les trois hommes s’étaient aussi lancées dans une petite activité bancaire. Alors qu’elles avaient pour objectif d’aider les agriculteurs en gérant leur comptabilité, elles leur ont accordé des prêts, grâce à des subventions publiques destinées au secteur agricole. Votre structure, « avait-elle vocation à prêter de l’argent ou simplement à aider à la comptabilité ? Etait-ce un établissement financier ? » avait demandé le président. Les prévenus étaient restés silencieux.
Ce dossier, s’il laisse apparaître une circulation d’argent anormale entre les trois hommes et différents groupements ou entreprises dans lesquelles ils avaient des intérêts, a malheureusement trop traîné pour ne pas soulever nombre de questions. Les faits se sont produits entre 2003 et 2006 ; l’enquête n’a peut-être pas été aussi rigoureuse qu’elle aurait dû l’être ; le procès a connu quatre renvois avant l’audience du 11 septembre.
« Une partie des pièces saisies, dont la comptabilité, est sous scellée et elle n’a pas été analysée, avait plaidé la défense. Beaucoup de pièces n’ont pas été étudiées par les enquêteurs. »
Le président doit bien reconnaître que des « pans entiers du dossier » ont disparu. «Dans la tête de quelqu’un qui lit le dossier quatre fois en un an et demi, il devient une bouillie informe ».
Le tribunal a donc pris le temps de la délibération et 42 jours après l’audience, le verdict est tombé.
Les trois hommes sont interdits de gestion d’une association pendant cinq ans et ont l’obligation de rembourser les sommes dues au trésor public.
Madjidi Andhume et Madi Laguerra écopent également de 10 mois de prison avec sursis, de 3 ans de mise à l’épreuve et d’une amende de 40.000 euros. Dani Salim est, lui, condamné à 16 mois de prison avec sursis, à 3 ans de mise à l’épreuve et à une amende de 50.000 euros.
Ils ont dix jours pour faire appel de la décision.
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