CARTE POSTALE D’AFRIQUE DU SUD. Que d’histoires sur les 800 km² de la réserve Madikwe ! Celle d’un peuple sud-africain qui retrouve son histoire, sa culture et sa terre. Celle d’une réserve animale majestueuse recréée de toute pièce par l’homme, des hommes qui partagent enfin, quelle que soit leur couleur, la magie de cette savane. Sans rien oublier.
Le décor est majestueux. A quelques encablures du Botswana, la savane sud-africaine s’étend à perte de vue. Seuls, quelques pans de montagnes surgissent de la plaine comme ces girafes dont l’arrogance défie les cimes des arbres.
Dans la «Madikwe game reserve», le souffle du vent caresse les herbes sèches et les arbres rabougris. Il ne semble s’interrompre qu’avec le rugissement des lions qui surveillent leur territoire ou le barrissement des éléphantes qui protègent leurs petits.
Hors du temps ? Pas vraiment. Le vent de l’histoire a soufflé ici aussi, une Histoire à la hauteur de ce paysage grandiose.
En plein cœur de la réserve, un lodge de luxe a vu le jour au début des années 2000. L’aboutissement d’un long parcours, peut-être un Long chemin vers la liberté. C’est celui du peuple Balete.
Les espoirs de l’Afrique du Sud arc-en-ciel
Elu en 1994 à la tête de la nouvelle Afrique du Sud arc-en-ciel, le Président Nelson Mandela suscite dans toute la nation l’émergence de projets inimaginables quelques années auparavant. Et cet espoir immense souffle jusque sur le bush de Madikwe. Les Balete qui vivent à la frontière de la réserve veulent, eux-aussi, y être associé.
Avant l’Apartheid, cette Terre était la leur. Les lois ségrégationnistes les en avaient chassé.Les lodges du parc sont alors la propriété exclusive d’exploitants aussi clairs de peau que les touristes qui viennent profiter de la savane.
Alors, les Balete se lancent dans une aventure qui les dépasse. Ils veulent, à leur tour, construire un lodge. C’est lui qui assurera le revenu de la communauté. Les touristes aisés, de toutes couleurs et tous horizons, viendront assurer la nouvelle prospérité dont rêve le village. Mais comment faire pour monter un dossier solide ? Même les nouveaux dirigeants noirs du pays ont du mal à accorder de la crédibilité à ces broussards, des bushmen sans éducation parqués dans un township misérable au milieu de nulle part.
Un resort de luxe
Qu’à cela ne tienne : des jeunes iront à Pretoria et Johannesburg appendre la cuisine et la gestion, le ménage et le jardinage, la communication et tous les savoir-faire du secteur touristique. Un groupe international est appelé à la rescousse pour dessiner les plans et l’architecture du projet. Le village est rassemblé comme jamais.
On met en commun les maigres richesses de chacun pour avoir accès à un financement bancaire. Et les énergies de tous sont nécessaires pour édifier le camp. Finalement, il sort de terre : des bâtiments sobres, harmonieusement installés sur une colline, avec un bar, un restaurant et six petites maisonnettes répondant aux standards des resorts de luxes avec ces douches extérieures qui permettent aux guests de se débarrasser de la poussière après le safari.
Les Balete savent approcher les animaux au plus près. Ces animaux, ces bushmen les connaissent bien, ils ont même ouvert… leur cage. Car ici, la nature, aussi vivante soit-elle, a été réinventée par l’homme.
Une nature sauvage réinventée
Au début des années 80, Madikwe est une vaste zone agricole en déshérence. Depuis plusieurs siècles, les hommes ont chassé sa faune sauvage avant que des fermes et leurs vastes troupeaux s’installent, vivotent puis, peu à peu périclitent. Doucement, l’idée de créer une réserve voit le jour, un projet absolument fou.
Sur près de 800 km², l’opération “Phoenix” va devenir un des plus vastes programmes de réintroduction animale au monde. Plus de 8.000 animaux d’une trentaine d’espèces vont faire le voyage vers la zone en cours de clôturage. Ils sont prélevés dans des réserves de toute l’Afrique australe : éléphants, rhinocéros, guépards, hyènes, chiens sauvages mais aussi zèbres, antilopes de toutes sortes et girafes vont rejoindre Madikwe en camion et même… en avion !
De 1991 à 1997, c’est tout un écosystème de savane qui est minutieusement recréé sous le regard de scientifiques du monde entier, stupéfaits que l’opération Phoenix connaisse un succès si rapide : les animaux prennent très vite leurs aises et les cycles naturels de prédation ou de reproduction se mettent en place. Sous le regard aussi des léopards qui, eux, n’avaient jamais disparus de la zone. Sous le regard enfin des Balete qui voient leur terre natale retrouver sa vie d’antan… sans eux : leur township est situé à quelques kilomètres à l’extérieur de la clôture.
Mais aujourd’hui, ils ne se contentent plus de garder les entrées de la réserve ou de promener les touristes venus dans les lodges des blancs. Les Balete dirigent aussi le leur, montrant une fois encore un visage de l’Afrique-du-Sud qui ne cesse d’étonner. Sans rien oublier, les Balete regardent le futur les pieds bien ancrés dans leur savane.
Rémi Rozié
(Crédit photos : RR © Le Journal de Mayotte)
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