Il est neuf heures. Le cortège des fonctionnaires en grève démarre de la Place de la République à Mamoudzou. La manifestation rassemble essentiellement des Mzungu, les métropolitains venus travailler à Mayotte et qui perçoivent l’indemnité d’éloignement imposable depuis le début de l’année. On croise également d’autres Domiens comme cette fonctionnaire du ministère de la justice venue depuis la Guyane, et quelques rares Mahorais.
Tous s’indignent de la fiscalisation, «en catimini» et en cours d’année, de leur indemnité d’éloignement 2013. Certaines corporations en ont également profité pour mettre en avant d’autres revendications plus spécifiques.
Les profs.
Les personnels de l’éducation nationale forment le gros de la troupe des manifestants. A l’image de ces trois «nouveaux» professeurs arrivés au mois d’août pour enseigner mathématiques et SVT.
«On entame notre première année. Nous nous sommes engagés en novembre 2012 avec un contrat moral sur nos indemnités. Nous ne sommes pas venus pour l’argent mais il est évident que les avantages sont une incitation. Et vu le nombre de postes non-pourvus, on n’est pas sûr que l’Etat fasse le bon choix. »
Magalie, elle, est prof de lettres depuis août 2012 à Mayotte. «En plus de cette question d’impôts, se rajoute pour nous un flou complet sur nos statuts. On est entré dans une obligation de mutation inter-académies, comme sur le plan national, alors qu’on nous avait promis d’être renouvelés dans les conditions qui existaient avant. Moi, j’ai perdu tous mes points. Je ne conserve que l’ancienneté sur mon poste. Je suis revenue 10 ans en arrière comme si j’étais un néo-titulaire.»
«Je ne suis pas sûre que l’Etat se rende compte des conséquences économiques pour Mayotte du départ des fonctionnaires qui sera la conséquences de cette mesure» poursuit-elle.
Policiers et magistrats.
«Les fonctionnaires sont reconnaissants à la police d’avoir levé le lièvre» explique une manifestante arborant les couleurs d’Alliance Police nationale.
«Ce mouvement a débuté avec une rumeur dans la cour du commissariat de Mamoudzou, rappelle un délégué du syndicat. Nous avons pris rendez-vous le 4 octobre aux impôts puis le 8 octobre à la préfecture où on nous a confirmé l’imposition de l’indemnité.» Le message est ensuite passé aux organisations syndicales déclenchant le mouvement. «On n’a jamais refusé de payer des impôts. Si ce mouvement a du succès, c’est que c’est très injuste et tout le monde est incrédule. Personne n’arrive à croire que l’Etat puisse faire ça.»
Des magistrats, juges ou vice-procureurs et des greffiers sont également dans la rue. «On a décalé notre journée pour manifester. On travaillera plus tard ce soir !» Comme l’ensemble des manifestants, les fonctionnaires du ministère de la justice ne sont «pas contre le principe de l’imposition. On vient ici en prenant des risques professionnels et en acceptant de grands changements sur le plan personnel. Et ce qui se passe est assez mesquin. »
«J’ai entendu dire que les Mzungu qui manifestent n’aiment pas Mayotte. Ce n’est pas du tout ça. On a choisi de travailler ici, au service de toute la population. On paie nos impôts ici. Simplement, on voudrait que l’Etat nous respecte. »
Les hospitaliers.
« Pour moi, c’est plein pot ! » s’exclame un cadre du CHM (Centre hospitalier de Mayotte). «A l’hôpital, on touche l’indemnité en trois fois : un quart au début de la première année, un quart à la fin de la 4e et au milieu on perçoit la moitié de la prime. Moi, je serai donc imposé au pire moment.»
Certains hospitaliers ont accepté de venir car dans la fiche de description du poste voire dans leur contrat, il était spécifié que la prime était non-imposable. Préparateurs en pharmacies, infirmiers, kinés… de nombreux professionnels de santé s’étaient joints à la manifestation.
Une trentaine de syndicats et tous les corps de métiers.
L’intersyndicale inédite rassemble une trentaine d’organisations syndicales. Les fonctionnaires des impôts ou des techniciens et ingénieurs de la DEAL battaient également le pavé. Parmi eux, Patrice venu pour réclamer «que l’Etat tienne parole. Dans un Etat de droit, c’est une trahison qui n’est pas acceptable.»
L’intersyndicale a rejoint le rond-point El-Farouk à Kaweni avant de remonter vers la préfecture en chantant. De nouvelles paroles avaient été écrites sur l’air de “Merci patron” : « L’Etat patron / nous prend nos ronds / C’est ce qu’il vient de nous faire ici-bas / c’est sûr, on s’en souviendra ! »
RR
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