Blocage des établissements scolaires, rassemblement puis manifestation dans les rues de Mamoudzou, les fonctionnaires de Mayotte ne décolèrent pas. En attendant les résultats de la réunion interministérielle qui se tient aujourd’hui à Bercy.
10.000 tracts imprimés durant le week-end et distribués aux collégiens et lycéens. Les membres de la CGT éducation ont souhaité sensibiliser leurs élèves alors que les portes de nombreux établissements scolaires étaient bloquées ce matin par les grévistes. «Est-ce que les cours reprennent demain ?» demande une élève devant l’entrée du lycée de Mamoudzou barrée par les drapeaux syndicaux. Le professeur, badge syndical accroché à la chemise, se fait pédagogue et explique les revendications et reconnait ne pas savoir combien de temps la grève va durer. Le préavis a été déposé pour toute la semaine, jusqu’à samedi matin.
9 heures. Sur la Place de la République, les manifestants sont moins nombreux que mardi dernier. Ils sont tout de même probablement 800 et toutes les corporations sont encore là : des personnels du CHM avec leur tenue identifiée, des personnels du ministère de la justice et bien évidemment des professeurs qui, aujourd’hui encore, composent l’essentiel des troupes de grévistes.
L’indemnité d’éloignement.
C’est toujours le cœur du mouvement. Malgré l’annonce de sa non-fiscalisation pour l’année en cours par le député Ibrahim Aboubacar, les grévistes attendent un engagement écrit de l’Etat. «C’est mon premier poste en tant que titulaire, explique Guillaume. Je suis venu à Mayotte en découvrant le système d’indemnité mais la bonne surprise n’a pas duré longtemps. Avec les coûts du voyage puis de l’installation, j’en ai déjà dépensé plus de 50%. Et aujourd’hui, on va m’imposer sur cet argent qui est déjà à moitié dépensé. »
La crise à l’éducation nationale.
En plus des questions fiscales, les professeurs sont confrontés à un immense flou quant à l’évolution du système de mutation. «C’est mon troisième séjour à Mayotte et je suis dans ma 4e année, témoigne une enseignante de Koungou. Moi, je resterais bien, mais aujourd’hui, on ne connait tout simplement pas les conditions qu’on nous propose.» Jusqu’à présent, les enseignants ne pouvaient pas rester en poste plus de quatre années consécutives et retournaient alors automatiquement dans leur académie de départ. Ce n’est plus le cas, depuis qu’ils ont intégré le système de mutation national basé sur un principe de points… un changement de fonctionnement qui se ferait au détriment des professeurs présents à Mayotte depuis quelques années.
Les conséquences.
Depuis le début du mouvement, les perturbations se font sentir dans l’ensemble des missions de l’Etat. Au tribunal par exemple, 80 dossiers de pilotes de kwassa ont été classés sans suite mercredi. Ces personnes, poursuivies pour avoir convoyé des clandestins depuis Anjouan, n’étaient pas présents sur le sol mahorais lors de l’audience et ne pouvaient être reconvoqués après le renvoi de leur dossier.
A l’éducation nationale, c’est l’avenir de la qualité de l’enseignement prodigué aux élèves mahorais qui inquiète. «J’imagine que l’Etat a une solution de repli avec le départ annoncé de beaucoup de titulaires, se demande Olivier. Peut-être qu’il compte sur les contractuels pour nous remplacer. Mais enseigner, c’est un métier qui demande une formation. Moi, j’ai dû remettre ma pédagogie en question par rapport à mon expérience précédente en Martinique».
«Les élèves ont des difficultés mais ils ont un respect de l’école qu’on ne trouve plus en métropole» conclut Guillaume. Tout ce mouvement, ça m’embête beaucoup parce qu’au final, j’ai peur que les élèves en subissent durement les conséquences alors qu’il y a tellement de potentiel chez les jeunes de Mayotte.»
Une réunion interministérielle était programmée ce matin à Bercy pour évoquer, entre autres, ces questions fiscales. A plus de 8.000 km de là, dans les rues Mamoudzou, les manifestants espèrent que leurs messages seront entendus.
RR
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