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dimanche 24 novembre 2024
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Attention ! Les femmes veulent «s’accaparer l’économie»

Les femmes chefs d’entreprise viennent-elles à peine de sortir de leur rôle de ménagère, qu’on leur demande déjà de passer à la vitesse supérieure. La Conférence économique organisée par Entreprendre au féminin avait du mal à dépasser cet enjeu.

Sitty Cheikh Ali, styliste comorienne et ancienne présidente de la CCIA Comores
Sitty Cheikh Ali, styliste comorienne et ancienne présidente de la CCIA Comores

Que des superwomen vendredi dans l’hémicycle Younoussa Bamana ! La première exportatrice de l’Union des Comores, la première présidente de la Chambre de commerce et d’Industrie du même pays, des “chefes” d’entreprises de la région, Madagascar, Union des Comores, La Réunion, Rodrigues, Mayotte… L’association Entreprendre au féminin à Mayotte organisait la première Conférence Économique régionale où on devait discuter avenir économique des entreprises mahoraises, mais aussi des obstacles à franchir quand entreprendre se conjugue au féminin.

Ce dernier thème fut largement développé, et replacé dans une société mahoraise, comorienne, africaine «encore tellement traditionaliste» : «à Rodrigues, la création d’entreprise ou l’ouverture d’un compte en banque sont soumises à l’autorisation du mari».

Deux témoignages forts l’illustraient. Celui de l’avocate du barreau de Mayotte, Fatima Ousseni d’origine comorienne qui, bien qu’en France depuis sa plus tendre enfance, subît la pression d’une famille conservatrice : «obligée de me fiancer et de me marier à un comorien, j’ai malgré tout suivi le droit à Paris 1». Et c’est enceinte qu’elle passera ses examens pour devenir avocate. «Au milieu d’étudiants du même âge, comorienne et enceinte, ce n’était pas facile !» retrace-t-elle avec une émotion toujours présente qui s’exacerbe : «je porte une très lourde responsabilité, celle de n’avoir pu profiter de mes enfants. La question ne se pose pas de cette manière pour les hommes !».

Hommes, je vous aime 

Et des hommes, dont une dizaine était présent dans un hémicycle du Conseil général au demeurant rempli aux deux tiers, il en fut beaucoup question. Sans remonter jusqu’à Adam et sa feuille de vigne (ouf !), ils furent à l’honneur comme chasseur de gibier à la Préhistoire, «alors que la femme gardait le foyer. La donne a changé pendant la guerre quand les femmes durent les remplacer à l’usine».

«Mon mari cuisine», citait l’une, Rodriguaise, «le mien est chef d’entreprise, comme ma mère d’ailleurs, nous confions les enfants à la famille proche» témoignait la vice-présidente d’Entreprendre au féminin. Pas sûr que lors du Concept Canal du Mozambique, une seule minute ait été consacrée aux épouses des acteurs en présence.

L’équilibre, c’est Sitty, styliste et comorienne voilée, qui va le donner : d’une  famille conservatrice -son père est imam- le salut viendra, et c’est une constante à travers les témoignages, du côté maternel. «Bien qu’illettrée, ma mère m’a élevée dans l’idée que je ne devrai jamais être dépendante de mon mari. Et je suis mariée avec un imam !» Rires dans la salle. «Mais il n’est obligé ni de faire la cuisine, ni de passer la serpillière, et pourtant, je travaille avec une boite américaine, quand j’ai un meeting au Canada, j’y vais !». Et s’adressant à toutes les douleurs, «avant de créer une entreprise, il faut aimer le faire».

Une « division sexuelle du travail »

Daniel-Martial Henry appelle à une révolution des tabous
Daniel-Martial Henry appelle à une révolution des tabous

«Ne vous apitoyez pas sur votre sort !» provoquait Daniel-Martial Henry qui expliquait les difficultés par «la division sexuelle du travail induite par des tabous dont il faut sortir : l’homme pêche au moyen d’objets tranchants, fait couler le sang, la femme utilise le djarifa et ne tue que la pieuvre qui ne saigne pas. Car une personne non circoncise, comme la femme, ne peut égorger un animal», cherchant à démontrer que seule la transcendance culturelle permettra d’arriver à une égalité femme-homme.

Les douleurs exprimées, peu de place avait été laissée pour de véritables propositions. «Il va falloir cadrer le débat avec des thématiques plus poussées» rappelait à l’ordre Daniel-Martial Henry, «parler de dégagement de bénéfices, présenter des données chiffrées etc.» Mais ce n’est qu’une première conférence, convenait-il.

Quelques pistes cependant : «trouver les secteurs où les femmes vont pouvoir créer de la valeur ajoutée pour s’accaparer l’économie» glissait Fatima Ousseni, «développer les moyens de communication Comores-Etats Unis pour honorer rapidement mes commandes» réclamait Sitty la styliste. Pour les seconder, une grosse crèche devrait bientôt être créée, «de 60 places et plusieurs micro-crèches» indiquait Sylvie Espécier, sous-préfète à la Cohésion sociale.

Une première conférence dont l’organisation fut difficile soulignait Ahamed Attoumani-Douchina, conseiller général de Kani-Kéli, «et qui ne doit sa réussite qu’à la capacité d’anticipation des femmes.» Les clichés ne sont jamais loin.

Anne Perzo-Lafond

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