– De notre envoyé spécial en Afrique du Sud, Rémi Rozié-
Comme orpheline, l’Afrique du Sud s’est réveillée abasourdie après l’annonce de la mort de Nelson Mandela, figure de la lutte anti apartheid et premier Président noir du pays. Les Sud-africains s’interrogent déjà sur la façon de perpétuer son héritage.
On dresse des tables. On élève des chapiteaux. On commence à acheter des fleurs. Partout, l’Afrique du Sud s’apprête à commémorer Nelson Mandela, décédé hier soir. La figure tutélaire de la nation sud-africaine est mort à Johannesburg à 95 ans, des suites d’une infection pulmonaire. «C’est un jour très triste pour le pays, relève Jeremy un habitant du Cap. Mais il était tellement affaibli ces derniers temps que c’est aussi un moment de joie de savoir qu’il est parti sereinement.»
La rumeur avait commencé à parcourir le pays en fin d’après-midi à l’annonce d’une allocution spéciale de Jacob Zuma. Le Président sud-africain a confirmé la nouvelle de la disparition de son illustre prédécesseur.
« Nous savions tous que ça pouvait arriver d’un jour à l’autre, confie Anita devant la statue de Mandela, sur le Front de mer de la ville du Cap. Mais l’annonce a tout de même été un choc pour moi. Comme beaucoup de monde, je crois que j’ai eu beaucoup de mal à m’endormir.» Anita a tenu ce matin à venir déposer quelques roses aux pieds de la statue.
Sud-africains et touristes partagent la même émotion
Dès l’annonce du décès hier soir, les chaînes de télévision nationales et les radios ont bouleversé leurs programmes pour consacrer l’intégralité de leur antenne aux réactions et aux témoignages en Afrique du Sud, mais aussi dans le monde entier. Les réseaux sociaux continuaient ce matin à ne parler que de Madiba, le surnom affectueux de Mandela.
«Nelson Mandela n’appartenait pas seulement à la nation sud-africaine, a déclaré devant la Maison blanche Barak Obama, le président américain, repris en direct par les médias du pays. Il est une figure mondiale, une référence mondiale pour la paix.» Et de fait, ce matin, à proximité du quai où les touristes embarquent pour Robben Island, l’île prison dans laquelle fut enfermé Mandela et les prisonniers politiques du régime de l’Apartheid, l’émotion était partagée par tous : qu’ils viennent d’Australie, du Brésil, de Côte d’Ivoire ou d’ailleurs, l’universalité du message de Mandela était une réalité. «On lui doit la mise en œuvre de notre nation arc-en-ciel, explique Soan un sud-africain au milieu d’une file d’attente internationale. Avant, on nous apprenait à haïr. Mandela nous a dit que le temps était venu d’apprendre à aimer.»
Célébrer l’unité nationale
Beaucoup craignaient que la disparition de la figure qui permit la transition de l’Afrique du Sud vers la démocratie fragilise le pays. « Je ne le crois pas, confie Héléna. Mandela était éloigné de la politique depuis longtemps. Et aujourd’hui, nous nous demandons tous comment, chacun à notre niveau, nous allons poursuivre le rêve de Mandela d’une nation unie et prospère.”
“Serons-nous assez forts pour y parvenir ?» se demandent pourtant beaucoup de Sud-africains. “Nous manquons encore de confiance en nous”, pouvait-on entendre sur les radios. Pourtant, l’évolution du pays depuis la fin de l’apartheid le 30 juin 1991 est encore une référence mondiale de transition réussie entre un régime oppressif et un modèle démocratique dont Mandela fut le premier président noir élu de 1994 à 1998. L’apartheid, régime politique dit de “développement séparé”, instauré en 1948 en Afrique du Sud, a institutionnalisé la ségrégation raciale durant plus de 40 ans, déterminant le statut social de l’individu à sa “race”.
Au Cap, où Mandela fit son premier discours d’homme libre en février 1990, comme dans toutes les villes et villages du pays, les prières et les hommages vont rythmer la soirée et les prochains jours, jusqu’aux funérailles nationales.
RR
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