De Rémi Rozié, en Afrique du Sud pour le JDM
L’hommage planétaire suscité par la mort de Mandela fait la fierté de l’Afrique du Sud. Le rassemblement sans précédent des Chefs d’Etat ce matin, ne fait pas oublier que, 23 ans après la fin de l’apartheid, les défis du pays ne sont plus raciaux mais sociaux.
C’est le moment de tous les superlatifs. La cérémonie organisée ce matin pour honorer la mémoire de Nelson Mandela est devenue un événement planétaire. Une centaine de Chefs et anciens Chefs d’Etat du monde entier se sont rassemblés dans le stade de Soweto (Johannesburg), le plus grand d’Afrique. Depuis la disparition de Madiba, l’Afrique du Sud vit un moment particulier qui va bien au-delà de l’hommage à l’immense figure historique qui vient de disparaître.
On célèbre la nouvelle nation sud-africaine et sa place singulière acquise sur la scène internationale. Il n’y avait qu’à voir, hier soir à la télévision, les cartes du monde qui présentaient, pays par pays, les personnalités qui devaient faire le déplacement pour les adieux au Grand homme.
Depuis l’annonce du décès de Madiba, les chaînes de la SABC, la télévision publique sud-africaine, consacrent l’intégralité de leur antenne à Nelson Mandela. Dans un programme unique intitulé «Madiba et moi», des personnalités politiques, économiques, sportives, de la sphère culturelle mais aussi de simples citoyens de toutes couleurs livrent, en continu, leurs souvenirs ou ce qu’ils estiment devoir à Nelson Mandela.
Et quelle que soit sa communauté -noir, métis (« coloured »), indiens, blancs- chacun sait l’importance de Mandela dans l’unité de la nation sud-africaine.
Chaque communauté sait ce qu’elle doit à Mandela
Dans ces témoignages, il est évidemment beaucoup question d’éducation, les Sud-africains remerciant Mandela d’avoir permis à une génération de noirs et de métis d’accéder à des études supérieures. C’est ainsi que les postes à responsabilité, dans l’économie comme la politique, ne sont plus occupés par les seuls blancs. La première classe moyenne et supérieure de couleur dans le pays est bel et bien une réalité.
Les blancs sud-africains, qu’ils soient anglophones ou Afrikaners (d’origine hollandaise), n’ont pas oublié, eux non plus, ce qu’ils doivent au premier Président noir du pays.
Mandela avait, par exemple, convaincu le pays de se rassembler autour de la coupe du monde de rugby organisée et gagnée par l’Afrique du Sud en 1995, alors que le rugby était un sport emblématique des seules communautés blanches. Un symbole, un de plus, pour faire avancer le pays vers la « réconciliation ». Pour Mandela, la nation sud-africaine ne devait pas oublier l’Histoire mais devait aller de l’avant, dans l’unité. Il savait que le pays devait briser le cercle des rancœurs, aussi justifiées fussent-elles. Pour ne pas s’effondrer, l’Afrique du Sud devait tenter de garder le meilleur de chacun.
Déjà l’après-Mandela
Ces obsèques mondiales sont suivies partout en Afrique du Sud. Mais, la réalité est un peu différente de celle présentée par les médias internationaux. Bien sûr, dans de nombreuses villes, les registres de condoléances s’empilent par centaines. Bien sûr, ce matin, dans toutes les grandes villes, des écrans géants retransmettent l’événement du Stade de Soweto. A Upington par exemple, une des agglomérations les plus isolées au Nord-Ouest du pays, des centaines de personnes sont venues pour communier dans ce moment d’unité planétaire.
Pour autant, l’Afrique du Sud ne s’est pas arrêtée. Ce matin, il y avait toujours les mêmes embouteillages au Cap ou à Johannesburg. Dans les bureaux, les commerces ou les champs, la plupart des Sud-Africains sont allés travailler comme chaque jour. Parce que, finalement, le pays est déjà dans l’après-Mandela.
Un long chemin vers l’égalité
L’apartheid a été aboli il y a 23 ans. Le défi de la réconciliation auquel était confronté Mandela semble déjà appartenir à l’Histoire, même si la cohabitation paisible de tant de cultures et de communautés n’est jamais acquise. Car les communautés continuent de vivre les unes à côté des autres. En Afrique du Sud, les gens ne sont plus séparés mais ils ne sont pas encore réellement ensemble.
Les enjeux de l’Afrique du Sud ne sont plus raciaux, ils sont sociaux. Ils résident aussi dans la réduction d’inégalités colossales. Malgré l’émergence d’une classe moyenne de toutes couleurs et la présence de milliardaires, le PIB par habitant sud-africain est inférieur à celui de Mayotte. Certains townships ont changé avec l’apparition de nombreuses constructions en durs et quelques villas luxueuses. Mais la plupart continuent de présenter le visage d’amas de maisonnettes en tôles dans lesquels règnent la misère et parfois d’innombrables violences. Le pays a encore un long chemin vers l’égalité à parcourir.
RR
(Crédit photos : RR ©Le Journal de Mayotte)
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