«Les affaires commencent par des liens d’amitié entre hommes et femmes d’affaires.» Xavier Desplanques (Carrefour des entrepreneurs) et Michel Taillefer (Medef) inauguraient ainsi les premières Rencontres entrepreneuriales Madagascar-Mayotte-Union des Comores.
Ce n’était pas une sinécure d’organiser ces quatre jours de Rencontres trois M comme l’initiale des capitales des trois îles concernées et visitées Mayotte, Grande Comores et Anjouan. «Période de vacances, préoccupation politique à Madagascar» n’ont cependant pas empêché les deux initiateurs de mener à bien leur projet «dont nous avons eu l’idée il y a seulement deux mois», glissait Xavier Desplanques.
Lors de la présentation des chefs d’entreprise dans les locaux du Medef ce lundi 13 janvier, des contacts ont été noués. Naissants pour certains, quand il s’agissait de poursuivre des négociations pour d’autres. Tel Julien David, responsable du contrôle de gestion du groupe Réfrigépêche, qui a rencontré une nouvelle fois les représentants de la Copemay et Cap’tain Allendor, principaux fournisseurs de poissons frais et congelés à Mayotte, «pour leur vendre des mérous, vivaneaux ou capitaines, poissons de fond péchés à Madagascar que ces entreprises mahoraises font notamment venir d’Asie».
A entendre l’ensemble des chefs d’entreprise présents, les produits régionaux avaient jusqu’alors du mal à entrer sur le territoire mahorais essentiellement en raison des taxes douanières. «Le passage à l’octroi de mer va ouvrir des possibilités» assure Kaiz Mamodaly, de Mayotte Alu, également présent à Anjouan d’où il espère exporter ses tuyaux d’adduction d’eau qui pourraient intéresser la société de distribution Sogea.
L’économie noyée par la géopolitique
Intéressé par le marché mahorais où il espère développer son activité de vente de jus de fruits, Amiraly Hassim, cofondateur du Carrefour, est un gros industriel à Madagascar avec son entreprise d’agroalimentaire Food and Beverage. Aux faibles coûts de production malgaches, il ajoute un atout, celui de posséder l’ensemble de la filière de jus, de la fabrication des bouteilles à celle de la production de concentré. Il est également présent en Union des Comores, ex-gérant de l’hôtel Moroni et actuel de Al Amal ainsi que des eaux Kartala : «les autorités anjouanaises sont plus enclines au développement économique actuellement», souligne-t-il. «Sur le plan régional, l’économie ne doit pas être prise en otage par le politique».
C’est ce qui avait motivé il y a quelques mois la tenue du séminaire Canal du Mozambique, qui va pouvoir poursuivre ses travaux : «La préfecture vient de reconnaître l’association Canal du Mozambique, dont le siège social est à Mayotte et le bureau à Moroni. Développer les échanges régionaux sera facteur de richesses dans la zone» se réjouissait un de ses initiateurs, le vice-président du Conseil général de Mayotte, Jacques-Martial Henry.
La France freine sur les visas
Ce rapprochement vers les autres îles des Comores qui ne reconnaissent pas Mayotte comme française, est naissant. «L’enrichissement mutuel est aussi un moyen de lutte contre l’immigration clandestine», soulignait un entrepreneur qui appelle à transformer Anjouan en zone franche (exonération de charges fiscales).
Plus largement, Michel Taillefer rappelait que Mayotte avait été trop longtemps l’oubliée de la stratégie régionale, n’ayant toujours pas intégré, pour des raisons politiques, la Commission de l’Océan Indien. Une COI critiquée en coulisse pour n’avoir pas su être facilitatrice, en 30 ans, de circulation des biens et des personnes au sein de la zone. Ainsi, le PDG de la Savonnerie Tropicale (Madagascar) était absent des journées 3M, n’ayant pu obtenir de visa des autorités françaises.
Mardi, les délégations se sont rendues à Anjouan pour y visiter plusieurs usines de différents secteurs : fabrication de bateaux de pêche, de tuyaux, de matelas. Les savoir faire locaux se heurtent au problème de normes : NF ou les normes européennes qui s’imposent à Mayotte, y sont souvent absentes. Ce qui ne devrait pas être un obstacle durable selon Amiraly Hassim, «s’il on nomme un expert chargé de guider les processus de production vers les normes requises ».
Les “3M” devraient être reconduites chaque année, avec probablement un point d’étape et en y incluant sans doute la quatrième île des Comores, Mohéli. Citant Newton, Michel Taillefer concluait : «Les hommes construisent trop de murs et pas assez de ponts», ce qui pourrait être la maxime de ces rencontres.
Anne Perzo-Lafond
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