La politique relative à l’accueil et aux droits des étrangers est en cours d’évolution à Mayotte où la situation était déplorable. Des efforts ont été fait par les services de l’État alors qu’un rapprochement vers la législation française et européenne semble acquis.
Aux côtés du lagon et des baleines, c’est l’image qui caractérise Mayotte en métropole : les nombreux kwassas (barques) qui abordent nos côtes de nuit, partis quelques heures auparavant de l’île proche d’Anjouan. Ces traversées se terminent parfois en naufrage, qu’il est difficile de chiffrer.
La politique mise en œuvre par la France jusqu’à présent n’était que répressive. En 2013, le nombre de reconduites, prés de 16.000, est comparable à 2011, après une baisse en 2012, loin des 20.429 expulsions de 2010.
Les velléités en matière de coopération régionale se heurtent à l’incompatibilité politique de la non reconnaissance de Mayotte française par ses sœurs comoriennes qui espèrent toujours la voir revenir dans leur giron. Depuis peu, un travail sur l’incitation au retour des enfants dont les parents sont restés à Anjouan est entrepris par l’association Tama. Certaines associations humanitaires ont commencé, avec les populations des îles voisines, un travail de réflexion sur l’intérêt d’une vie mahoraise faite de travail clandestin ou d’errance, et de planques pour échapper à la police.
Ces conditions de vie et le manque de considération dont ils sont l’objet ne freinent pourtant pas leur désir de migration. Leur demande de titre de séjour était jusqu’à il y a peu, mal étudiée (délais, mauvaise volonté à l’accueil à la Préfecture…), ce qui permettait un flottement aussi bien pour ceux qui réunissent les conditions que pour les autres.
Des titres de séjour en baisse relative
Or, depuis un an, la Direction de l’immigration, de l’intégration et de la citoyenneté de la Préfecture de Mayotte s’est humanisée avec un effort d’accueil des «étrangers», dans le cadre de la charte Marianne, avec l’aménagement de trois guichets de pré-accueil, dont un accessible aux personnes handicapées, une refonte des formulaires types, la mise en place d’un système de gestion de la file d’attente pour le public étranger et surtout un doublement des guichets (10) pour traiter les dossiers les plus anciens et les nombreuses demandes de titre de séjour.
Car ces dernières ont explosées puisque prés de 13.500 dossiers de premières demandes ont été déposés en 2013 contre 3.500 l’année précédente, soit une croissance de 286%.
En réponse, si davantage de cartes de séjour ont été délivrées en données brutes, + 135%, elles ne suivent pas le rythme : alors qu’une première demande sur deux était satisfaite en 2012, il n’y en a qu’une sur trois en 2013.
Il n’est pas certain que l’accroissement des demandes soit une preuve d’arrivée massive de candidats à l’exil.
L’effet Christnacht
Il est plus probable qu’il s’agisse d’une régularisation de personnes déjà présentes sur le sol mahorais : «la plupart des dossiers que nous envoyons portent sur des personnes régularisables au sens qu’elles sont parents d’enfants français, ou bien «ni-ni»*, ni reconductibles, ni régularisables pour être arrivés avant l’âge de 13 ans», indique Christophe Vénien, délégué de Caritas France-Secours Catholique.
Il décrit d’ailleurs un parcours du combattant, «les délais d’attente après les envois de dossiers ont considérablement augmenté, mais il ne s’agit pas forcément de demande de titres de séjour et la complexité des dossiers appelleraient à démultiplier les effectifs du Service de l’Immigration».
Par ailleurs, une ordonnance préparant une réforme du droit de séjour et de la politique des étrangers est en cours de préparation : «elle portera extension et adaptation à Mayotte du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA)», informe la préfecture. Ce projet a été transmis le 14 janvier 2014 au Conseil général pour avis en urgence sous 15 jours. Il ne s’est pas prononcé, «son avis est donc réputé favorable», indique la représentation de l’Etat.
La réforme va dans le sens des droits des étrangers puisqu’elle a pour but de rapprocher du droit commun, la législation applicable à Mayotte en matière d’entrée et de séjour des étrangers, et de transposer les directives européennes relatives à la migration légale et au retour : Mayotte a accédé au statut de Région européenne Ultrapériphérique.
Cette réforme était préconisée par le rapport Christnacht, haut fonctionnaire venu à Mayotte il y a deux ans, pour tenter de trouver des solutions au problème de l’immigration régionale…
Anne Perzo-Lafond
*Selon l’article 34 de l’ordonnance relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers à Mayotte, “Ne peuvent faire l’objet d’une mesure d’expulsion (…) L’étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement sur le territoire de la République depuis qu’il a atteint au plus l’âge de treize ans »
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