Ils étaient 65 ce vendredi à la préfecture à être naturalisés français. 65 à découvrir qu’ils avaient de nouveaux droits mais aussi de nouveaux devoirs. Et parmi les derniers à bénéficier d’une législation plus souple.
Un film retraçant le poids de l’Histoire de France et la signification des fondements de la République, Liberté «celle de penser sans contrainte et sans atteinte à la liberté des autres», Egalité «notamment celle des hommes et des femmes» et Fraternité «un lien qui unit tous les citoyens», était diffusé sans oublier la laïcité, «aucune religion officielle, mais un pays historiquement à dominante chrétienne».
Une cérémonie voulue solennelle par le préfet Jacques Witkowski qui n’entend pas brader ce moment, «même si nous n’avons pas de prestation de serment comme dans d’autres pays». Il rappelait que ces nouveaux citoyens français ne devaient pour autant pas renoncer à leur culture «enrichissant ainsi un pays traditionnellement terre d’accueil». En 2013, 248 personnes ont acquis la nationalité française à Mayotte, «il y en a eu plus de 96.000 en France».
Il faut pour l’obtenir, résider en situation régulière en France, y posséder le centre d’attaches familiales, produire ou subir un diplôme prouvant la maîtrise de la langue, et justifier de ressources suffisantes.
Alors qui sont «ceux qui se sont donnés les moyens d’obtenir la nationalité française, de décider de donner autant à la France que ce qu’elle apporte», ainsi que le résumait le préfet ?
Ghaouthia Ali vit depuis 20 ans à Mayotte où elle est arrivée depuis Anjouan avec un visa étudiant. Elle travaille désormais comme caissière pour l’entreprise ETPC et habite Koungou. Elle a fait sa demande en 2010 et a dû passer le fameux Diplôme d’Etudes en Langue Française (DELF) pour prouver sa maîtrise du français. «Cette journée va tout changer pour moi, je me sens plus libre !» explique-t-elle, «libre de voyager en métropole ou ailleurs». Mais, elle entend bien rester à Mayotte, trop heureuse de pouvoir travailler.
Un Contrat plus poussé avec la République
«Je suis tellement heureuse, tellement heureuse !» Ombayda Mohamed est émue aux larmes. Cette jeune de femme de 34 ans, ressortissante comorienne, était arrivée à Mayotte en 2004 avec un visa étudiant également. Mal reçue en préfecture en avril 2010 lors d’un renouvellement de carte de séjour, «rentrez chez vous !», alors qu’elle travaillait depuis 2007, elle finit par obtenir un visa salarié de retour d’Union des Comores. Employée au Centre d’Imagerie Médicale de Mamoudzou, cette nouvelle nationalité va lui permettre d’avancer dans ses projets, «faire bâtir une maison et créer une entreprise».
C’est Air Comores qui a déposé Hamada Chanfi sur le sol mahorais en 1989. Muni d’un visa, l’homme qui a maintenant 47 ans, a dû renouveler une quinzaine de fois son titre de séjour d’un an. Manœuvre chez Tetrama, il a lancé sa demande de naturalisation il y a 5 ans : «Je suis fier d’être devenu français, je vais enfin pouvoir vivre en paix».
Oksana Gaidouk est l’Ukrainienne de l’étape, et sa demande n’a aucun rapport avec les évènements que connaît actuellement son pays. Comme son mari légionnaire qui a obtenu la nationalité française, elle est résidente en France, dans le Vaucluse, à l’année. «Je veux pouvoir travailler et vivre en métropole».
Si 56 de ces nouveaux citoyens français étaient Comoriens, 6 étaient Malgaches, un Marocain, un Rwandais et donc une Ukrainienne. La préfecture organise deux cérémonies de naturalisation dans l’année. Mais le Code de l’entrée et du séjour des Etrangers et du droit d’asile en vigueur en métropole va s’appliquer à Mayotte, «avec des critères d’octroi plus restrictifs», selon les services de la Préfecture. Le Contrat d’Accueil et d’Intégration va en effet s’appliquer, obligatoire en métropole depuis 2007, à l’exception des demandeurs d’asile. «Des cours de civisme seront dispensés, ainsi que des formations linguistiques adaptées».
Une nouvelle législation qui risque de fermer les robinets de la naturalisation, et de laisser davantage d’étrangers dans des situations bancales à Mayotte.
Anne Perzo-Lafond
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