Les communes du centre de l’île attendaient deux camions collecteurs de bac de déchets. Ils les ont eus, mais d’occasion… au prix du neuf ! Une procédure dénoncée comme non conforme aux marchés publics par le directeur.
C’est avec un sourire très gêné que nous accueille Attoumani Issoufi, le directeur du SIVOM Centre (Syndicat de collecte des déchets) en charge du ramassage des ordures ménagères de Chiconi, Sada, Ouangani, Tsingoni et Dembéni. Il vient de réceptionner deux camions compacteurs censés suppléer, pour la collecte des déchets, les camions bennes dans lesquels les poches poubelles éventrées s’entassent sous la pluie.
Ils ont été commandés en février 2013 en métropole, mais au lieu de deux camions neufs, ce sont des occasions qui sont livrés. D’où une certaine crispation : «je ne souhaite pas en parler car le marché n’est pas conforme», nous glisse-t-il. Mais devant les éléments en notre possession, il abat ses cartes.
Les deux camions ont été livrés mardi, «mais chez le président et non pas au SIVOM comme c’était indiqué dans la commande». Un président du SIVOM absent du territoire et qui lui demande donc de récupérer les clefs. «Lorsque je me suis aperçu qu’ils n’étaient pas neufs, j’ai refusé de prendre les clefs»… Issoufi Attoumani a alors contacté un huissier qui est passé ce mardi matin. «Je vais présenter le constat d’huissier à tous les élus des communes que nous desservons pour me couvrir».
Détournement de fonds publics ?
Un camion neuf coûte 230.000 euros. Après négociation, le SIVOM a déboursé 400.000 euros pour les deux véhicules. Une somme qui vient de la participation des communes adhérentes au syndicat au titre du FIP (Fonds Intercommunal de Péréquation).
Renseignement pris, la première mise en service des deux compacteurs date de 2001. Or, les véhicules de voirie n’ont plus de valeur comptable au bout de dix ans. Difficile d’en estimer la valeur marchande, mais la conséquente différence a de toute évidence été récupérée par quelqu’un…
Le préjudice est considérable pour les communes adhérentes car, selon Issoufi Attoumani, «l’état des routes à Mayotte va vite avoir raison de la santé des camions».
Un directeur qui espérait, avec ces camions, remettre sur pied une collecte digne de ce nom, «nos camions bennes tombent souvent en panne». Une association de la commune qui œuvre dans le collectif confirme : «les négociations avec le SIVOM débutées en mars 2013 pour un ramassage d’un bac de 660 litres ne sont toujours pas closes, alors que le prix a grimpé de 133% pour le même bac, sans couvercle, et qu’il n’y a eu qu’un seul ramassage en janvier 2014, là où nous en demandions trois par semaine ! »
Issoufi Attoumani l’assure, les bacs neufs sont bien là : «3.000 bacs de 120 litres, 240 l et 660 l». Ils n’attendent plus que des camions conformes, et… opérationnels.
On le sait, les SIVOM seront absorbés, théoriquement au mois de mai, par le SIDEVAM (Syndicat unique de traitement des déchets). Un SIDEVAM qui va en absorber l’actif et le passif… On ne sait dans quelle colonne entrer les camions compacteurs, mais c’est une nouvelle dont n’avait pas besoin le Syndicat unique qui a du mal à récupérer les fonds pour lancer l’exploitation de la décharge de déchets non dangereux de Dzoumogné.
Anne Perzo-Lafond
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