François Coux conviait la presse pour un point d’étape de la politique éducative à Mayotte : quelques motifs de se réjouir, surtout des raisons de s’inquiéter sur l’ampleur du chantier.
Le premier point d’étape de l’année 2014 du vice-rectorat coïncidait avec le récent passage de la ministre déléguée à la réussite éducative, «une excellente chose» pour le vice-recteur François Coux qui rappelle que les services de l’Education nationale à Mayotte n’ont pas besoin de budget ni d’annonces, «seulement de ressources», c’est-à-dire d’enseignants. En effet, dans le second degré, si le recours aux contractuels (600 à 700) ne devrait pas s’intensifier à la prochaine rentrée, c’est grâce à la reconduction du contrat au delà des 4 ans d’enseignement qu’ont décidé 176 enseignants. Dans le premier degré, on compte 450 contractuels. «Une situation inquiétante», selon François Coux.
A l’afflux d’élèves pour la prochaine rentrée, 161 supplémentaires dans le primaire et 2.300 dans le secondaire, l’Education nationale répond par un accroissement du nombre de postes, 40 pour le primaire et 140 dans le secondaire, «auxquels il faut ajouter 7 Conseillers principaux d’Education, une priorité à la vie scolaire».
Les spécificités mahoraises sont telles qu’il faut leur appliquer tous les outils existants. Ainsi, le nombre de chantiers à mener s’accroit d’année en année. Ils sont neuf en l’occurrence.
Nous ne reviendrons pas en détail sur celui de l’adoption des rythmes scolaires qui invite à passer en France d’une semaine de 4 jours à une semaine de 4 jours et demi en maternelle et primaire. A Mayotte où les élèves n’avaient cours que cinq demi-journées, cette réforme revient à «rétablir des heures que nous devons aux élèves. Je me demande d’ailleurs pourquoi la normalisation des rythmes sur la journée ne s’est pas faite il y a dix ans ?» s’interroge François Coux, «les rotations n’existeraient plus aujourd’hui par la contrainte des constructions !»
Quand l’Etat sait se donner les moyens…
Le système de rotation, où deux classes alternent matin et après-midi dans une même salle, perdure là où le SMIAM n’a pas réalisé les constructions demandées, soit dans 10 communes sur 17, 4 étant très touchées : Dembéni, Koungou, Mamoudzou et Tsingoni. Elles ne pourront bénéficier du fonds d’amorçage de 90 euros par élève alloués par le gouvernement. Par contre, «toutes les communes qui mettent en place la réforme Peillon et qui ont un projet éducatif pourront y prétendre», et même pour les écoles où perdurent la rotation, «un bel effort de notre ministère». La ministre George Pau-Langevin avait annoncé un peu précipitamment que se rajoutait un montant de 60 euros de la Caisse d’Allocations Familiales, «nous y travaillons», glisse le vice-recteur.
L’ensemble de l’île devrait être placée en 2017 en réseau d’Education prioritaire (REP+), qui permet aux enseignants d’accompagner les parents et les élèves en difficulté. «Dembéni sera la première à en bénéficier», elle devrait recevoir 220.000 euros.
Le Plan maternelle est déclenché après avoir fait le constat que 65% seulement des enfants de 3 ans sont scolarisés à Mayotte. Or, ceux qui l’ont été, réussissent à 75% en moyenne les évaluations de français et maths en fin de grande section, contre moins de 50% pour les enfants qui ne l’ont été qu’un an. Outre le problème de manque de salles de classe, la formation des enseignants et l’utilisation de la langue maternelle pour l’apprentissage du français sont en préparation.
Recherche professeurs désespérément
D’autres chantiers sont en cours pour mettre en place de nouvelles organisations pédagogiques, commele dispositif «Plus de maîtres que de classes», pour aider les jeunes étudiants qui veulent s’orienter vers les métiers de l’Education, ou les «Emplois d’Avenir Professeurs», «mais pour lequel nous n’avons pas assez de candidats de niveau L2 requis», pour la formation des maîtres qui pourrait dépendre de l’Ecole Supérieure des Professeurs des Ecoles (ESPE) de La Réunion et ainsi seconder le vice-rectorat dans cette tâche.
Les problèmes particuliers des élèves sont de plus en plus pris en compte à travers plusieurs dispositifs : celui des élèves nouvellement arrivés en France, qui ont 22 enseignants dédiés en premier degré, et 5 sites dans le second degré : «ils travaillent pendant 6 mois sur les fondamentaux puis intègrent ensuite un cursus normal». Un laps de temps bien court, mais c’est un premier pas. Les élèves en grande difficulté scolaire sont accompagnés par 49 RASED (Réseau d’Aides spécialisées aux élèves en difficulté) pour les plus jeunes, et de 18 enseignants ressource dans le secondaire. Enfin, les élèves en situation de handicap bénéficieront à la rentrée 2014 de 44 Classes pour l’inclusion scolaire (CLIS) soit 60% en plus, et de 12 Unités Localisées pour l’Inclusion scolaire (ULIS).
Si les constructions scolaires du premier degré deviennent une affaire d’Etat, avec le financement direct de construction sans passer par le SMIAM en attendant la formation probable d’un Groupement d’Utilité Publique, les collèges et lycées sortent de terre peu à peu, «bien que retardés par une dense saison des pluies». Alors que les collèges de Mtsangamouji et Kani-Kéli se sont agrandis en 2013, ce sera le tour du lycée de Mamoudzou avec 18 classes supplémentaires à la rentrée 2014, ainsi que des collèges de M’Gombani, Doujani et Bandrélé en 2014. «Il faut absorber l’accroissement de la population scolaire qui est passée sur Mamoudzou sud de 1.200 élèves en 2006 à 4.400 en 2014 !»
A Mayotte, les moyens de l’Etat sont suffisants martelait François Coux, «il ne reste plus qu’à travailler, qu’on soit élèves, parents, élus ou enseignants».
Anne Perzo-Lafond