Ce mardi matin, les élus et le public présent dans l’hémicycle du Conseil général pour une Séance plénière extraordinaire ont eu droit à un dépoussiérage des Programmes opérationnels européens. Une poussière qui cachait la misère…
En dehors des exigences européennes de projets innovants et de développement durable, les projets retenus par l’Europe doivent avoir été définis au préalable par des plans et schémas correspondants (Schéma de développement numérique par exemple).
Si les programmes opérationnels sont pensés, comme dans tous les départements, dans une logique de concentration des moyens sur des objectifs thématiques, c’est l’effet inverse qui se fait sentir à Mayotte où l’on assiste, par manque de moyens, à un saupoudrage. La faible envergure de l’enveloppe rend tout à coup ridicule le partage entre les différents axes.
En effet, sur les 305 millions de fonds européens, seuls 100 millions sont affectés au fonds structurant l’économie, le FEDER, lorsqu’on lui retire l’enveloppe exceptionnelle dédiée aux Régions européennes ultrapériphériques (RUP) et l’assistance technique. 100 millions d’euros, dont la moitié doit être affectée obligatoirement sur 5 thématiques définies par l’Europe : l’innovation, l’accès aux technologies de l’information et de la communication (TIC), la compétitivité des petites et moyennes entreprises, le développement durable et les économies d’énergies.
Le maritime, les déchets et l’aérien au banquet des miettes
Il en découle que l’ensemble des programmes, aux besoins démesurés, ne se trouvent chacun que très faiblement dotés. 30 millions d’euros pour l’assainissement «quand il en faudrait 600 millions», soulignait le président du Conseil général Daniel Zaïdani, «6 millions d’euros pour le projet de transport urbain de la mairie de Mamoudzou alors que 150 millions seraient nécessaires», poursuivaient les représentants du cabinet Amnyos chargés de la présentation des programmes.
De la même manière, la part du FEDER attribuée aux RUP en raison de l’éloignement du territoire alloue 44 millions d’euros à la fois au transport de déchets ménagers entre Petite et Grande-Terre, à la création de l’hôpital en Petite-Terre. Mais on y trouve aussi des sommes pour l’espace maritime de proximité qui aurait 16 millions d’euros à arbitrer entre «le transport par amphidromes hybrides pour 500 passagers et 28 véhicules entre Grande et Petite-Terre» ainsi que le souhaiterait Daniel Zaïdani, ou «pour installer une circulation de barges entre Longoni et Mamoudzou» ainsi que l’imaginerait Issihaka Abdillah. Ce dernier préconise aussi la rénovation des embarcadères des deux îles, sans parler du projet portuaire de Longoni d’Ida Nel.
Ce même fonds est encore censé répondre à la remise aux normes de la piste de l’aéroport pour 8 millions d’euros, «on ne résout pas le dixième du problème» glissait un intervenant… «Nous avons besoin de l’engagement de l’Etat sur ce projet qui se monterait à 100 millions d’euros», indiquait Daniel Zaïdani «puisque le timing de ce dossier ne nous permet pas de demander un supplément lors de la clause de revoyure de 2016».
L’Etat va devoir y mettre du sien
Comme le faisait remarquer Nomane Ousseni, conseiller général de Sada, le risque de cette sous-évaluation des besoins est «que rien ne soit finalement réalisé en 2020».
Le Fonds de solidarité (FSE) sera doté de 66 millions d’euros (hors assistance technique), répartis en lutte contre l’exclusion, en formation qualifiante, en apprentissage.
La décision finale sur le FEDER-FSE devra être rendue à la fin du mois de mars, après un arbitrage tripartite avec la Commission européenne et l’Etat, «mais c’est surtout ce dernier qui l’emportera». La préfecture avait averti que l’apport du Contrat de projet Etat-région (CPER) serait nécessaire. Son montant n’est pas encore connu, mais il viendra bien en appui des fonds européens comme coparticipation Etat-Conseil général. Ce dernier assurait pouvoir remplir sa part sur les fonds européens, mais il n’est pas certain qu’il puisse également le faire sur le CPER. L’Etat devra encore une fois suppléer.
Toutes les partie s’accordent ouvertement ou non, à penser que l’Europe n’a pas donné à Mayotte les moyens de ses ambitions. Que le gouvernement ait défendu ou pas en son temps le montant de l’enveloppe globale à Bruxelles, le résultat pourrait s’avérer en tout cas coûteux pour Paris en pénalités si l’assainissement n’entre pas, faute de moyens, dans les clous européens…
Anne Perzo-Lafond
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