L’affaire avait fait la Une des journaux il y a un an : un jeune enfant avait été abandonné à Dzoumogné. La mère de famille auteur de l’acte était jugée ce matin.
«Le lundi 11 mars 2013, un garçon d’environ deux ans, présentant un retard mental et un strabisme a été abandonné à proximité de la pharmacie de Dzoumogné (Bandraboua). Il était porteur d’un T-shirt orange et vert et était enroulé dans un drap bleu et blanc à fleur rouge». C’est l’appel à témoin envoyé par la gendarmerie aux médias de l’île en cette mi-avril 2013.
Alors que peu à peu, les langues se déliaient, que les témoins se présentaient à la brigade, Zainata*, qui avait la charge de l’enfant avoue : c’est bien elle qui ce jour-là, à Bandraboua, a laissé le petit garçon de 2 ans «prés des services sociaux de Dzoumogné et parce qu’elle n’arrivait plus à en assumer la charge», rapporte la présidente de l’audience correctionnelle du jour, Viviane Peyrot.
L’enfant a été laissé de nuit, à 20 heures, dans une couverture, mais seul, «à la merci d’une meute de chiens errants», comme le soulignera l’avocate de l’association Tama qui s’est portée partie civile en tant qu’administrateur ad hoc.
La dame qui l’hébergeait est une jeune maman de 24 ans. Elle a déjà 3 enfants, ou 4, on ne comprend pas bien, nés à Mayotte. Elle est elle-même en situation irrégulière et avait accepté de ramener d’Anjouan le jeune enfant pour qu’il soit soigné à Mayotte. Elle y est bien arrivée… en kwassa. On ne saura pas si elle était indemnisée par la maman, elle-même restée à Anjouan, et qui avait promis d’arriver à Mayotte, ni si l’enfant bénéficiait d’une allocation liée à son handicap.
Entre Balzac et Pilate
Mais c’est la manifestation tangible des décharges habituelles de parentalité qui était à la barre ce matin : des membres de la famille qui acceptent de s’occuper à Mayotte d’enfants dont les parents sont, ou repartent, aux Comores. Et qui ne s’en sortent pas. Il est fort probable que le petit garçon, s’il n’avait pas été atteint de handicap, ait été livré à lui-même, grossissant les rangs des mineurs isolés…
L’avocate de Tama avait alors la partie facile et choisissait de citer Edmond Rostand : «il n’est aucune vie ni abaissée, ni appauvrie soit-elle, qui ne vaille d’être défendue, et c’est ainsi que l’on mesure le degré de civilisation d’une société» pour souligner la gravité du sort de l’enfant. «Il représente à la fois Romulus et Remus, mais aussi le Petit Poucet», s’envolait Me Préaubert qui évoquait une scène digne de Balzac.
Pour elle, il y a bien abandon d’enfant, punissable de 7 ans d’emprisonnement et 100.000€ d’amende, car un jugement en Cassation de 1963 indique qu’il “est constaté lorsque n’existe pas d’esprit de retour. Or, Zainata a pris un taxi sans se retourner». L’avocate demandait 15.000 € de dommages et intérêts, «bien que je sache qu’elle ne pourra jamais payer».
Le procureur demande une chose : «que nous aidions madame à comprendre que c’est une infraction, sinon, tel Ponce Pilate qui s’en lave les mains, elle va le reproduire avec ses propres enfants». Il demandait trois mois d’emprisonnement avec sursis assortis d’une mise à l’épreuve suivie par le Juge d’Application des Peines, avec une expertise psychologique.
Le délibéré est tombé en fin de matinée : Zainata est condamné à un an de prison avec sursis et à payer 5.000€ d’amende. Elle repart donc libre et sans contrainte… pour cette fois.
A.P-L.
* Prénom d’emprunt
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