L?affaire est devenue tout simplement invraisemblable. Des pr?venus poursuivis pour vols dont certains se r?v?lent ?tre des informateurs des RG (devenus le SDIG), une tentative d??vasion, un procureur et un juge d?instruction comme t?moins et des fuites tr?s ?tranges dans le dossier de l?instruction? le proc?s sort de son cadre.
Ce mardi apr?s-midi, un t?moin pas comme les autres est appel? ? la barre des Assises : le juge d?instruction Hakim Karki, qui a dirig? l?enqu?te de l?affaire jug?e. C?est un peu comme si on avait acc?s aux coulisses de dossier, le making-of d?un film policier dont aucun sc?nariste n?aurait os? ?crire l?histoire.
Au d?part, l?affaire ?tait facile ? cerner. Durant trois jours, la cour d?assise devait se pencher sur le dossier des voleurs pr?sum?s de coffres-forts. Fin 2011 et d?but 2012, une s?rie de cambriolages est perp?tr?e par une bande qui a un mode op?ratoire bien ?tabli. Ses membres s?en prennent plus au moins violemment ? des gardiens de nuit pour repartir avec le coffre-fort ou les caisses de l?entreprise vis?e. Des stations Total (Chirongui, Longoni et Dzoumogn?), les bureaux de carri?res ETPC (Mtsamboro, Koungou, Iloni), les agences Inter ?le Air et Kenya Airways? Plus de 215.000 euros de butin.
Les m?faits s?accumulent mais la bande finit par commettre une erreur : une cam?ra de surveillance de la Station Total de Longoni enregistre le visage de certains pr?venus qui, ce jour-l?, ne s??taient pas camoufl?s.
Les cambrioleurs aidaient les services secrets
Le tribunal devait donc ?tablir les participations des uns et des autres? jusqu?? ce qu?un fait nouveau surgisse : plusieurs d?entre eux ?taient des indics de la PAF et du SDIG (les anciens RG). Coup d??clat de ma?tre Kamardine, l?avocat de la d?fense, qui cite comme t?moin le juge d?instruction Hakim Karki. Il veut obtenir des d?tails. A la barre ce mardi apr?s-midi, le juge d?instruction Karki retrace donc le d?roul? de l?enqu?te.
Il se souvient que le premier pr?venu identifi?, c?est tout la petite organisation qui semble tomber. Un ? un, les individus suspect?s sont rep?r?s, ils se d?noncent les uns les autres, et la mise sur ?coute de leurs t?l?phones portables semblent confirmer leur participation aux faits. Petit ?v?nement dans l?affaire, l?un d?eux fait une tentative d??vasion lors de sa pr?sentation au juge d?instruction. Il est rattrap?, un ?tage plus loin, dans le tribunal.
Les pr?venus connaissent les d?tails de l?enqu?te
Mais le juge d?instruction a alors une sacr?e surprise : un pr?venu a eu connaissance du contenu de l?enqu?te. Il ?tait en mesure de dire pr?cis?ment qui ?tait reconnaissable sur la vid?o et qui ne l??tait pas, des informations disponibles uniquement par les personnes au plus pr?s des investigations et qui pouvaient avoir acc?s aux proc?s-verbaux.
Deuxi?me d?couverte, le juge se rend alors compte que plusieurs des personnes impliqu?es m?nent des petites ?carri?res? comme indicateurs. ?Les personnes que nous recherchions ?taient reconnues et immatricul?es comme informateurs du SDIG (les ex-RG)?, affirme Hakim Karki. Contre leurs services, ces individus percevaient des r?mun?rations et auraient re?u des contreparties administratives, des r?c?piss?s de cartes de s?jour.
D?o? peuvent bien provenir les informations sur l?enqu?te dont ils disposaient ? De leur statut d?informateurs ? De ?l?amateurisme de la gestion de ces sources? comme le d?nonce le juge ? On part alors tr?s loin dans les sous-entendus, lorsqu?on cite une phrase d?un pr?venu affirmant qu?il n?a rien ? craindre car ?il est parti avec la femme du procureur ? Madagascar.? On ?voque m?me ?la femme du pr?fet? de l??poque, dont un pr?venu aurait le num?ro de t?l?phone.
?On a affaire ? des gens qui sont manipulateurs?, pr?vient le juge Karki.
Le Procureur de la r?publique en poste ? Mayotte au moment des faits est lui aussi cit? comme t?moin par la d?fense mais la visioconf?rence pr?vue depuis Bordeaux a ?chou?, un probl?me de son.
Une enqu?te sur des fuites ouverte deux ans apr?s
Une demande d?enqu?te a ?t? faite ? l??poque pour conna?tre l?origine de ces fuites. Nouveau moment surr?aliste : au milieu de l?audience, un avocat informe alors le juge qu?une enqu?te a bel et bien ?t? ouverte le? 13 mai 2013, sur des faits qui se sont donc produits presque deux ans auparavant.
?Ont-ils donc agi avec un sentiment d?impunit? ?? demande un avocat des parties civiles. Le juge d?instruction ne peut r?pondre. Il ?voque son seul regret dans cette affaire : ne pas savoir ce qu?est devenu l?argent.
Fin des coulisses, retour au proc?s. Demain mercredi, r?quisitions et plaidoiries devraient durer toute l?apr?s-midi.
RR
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