Vu par Noussoura Soulaimana, secrétaire départemental de la CFE CGC, le document cadre « Mayotte 2025 » ne doit pas seulement lister les secteurs à développer, mais donne aussi, et avant tout, une méthode de travail avec l’Etat.
Au tout début de la prévision était Noussoura, « un peu seul, j’ai donc décidé de fédérer tous les élus de Mayotte autour de mon projet d’agir pour Mayotte avant que la société ne se fâche ». Utilisant un langage simple, le syndicaliste gagne à être écouté sur le fond.
C’est ce que les services de l’Elysée et de Matignon ont fait en tout cas en avril en le recevant. Sur un bilan du mouvement social contre « la vie chère » de la fin 2011 d’abord, « le système ne convenait plus à l’homme de la rue, ni aux seuls 40.000 salariés qui portent à bout de bras leurs familles ». Mais pour quels résultats ? « C’est justement pourquoi il faut un devoir de mémoire. Pourquoi les gens disent ne pas percevoir d’évolution de l’Observatoire des prix de Lurel ? Sans réponse à cette question, on risque un nouveau mouvement ».
Pour lui, comme pour le sénateur Thani Mohamed Soilihi qui a déposé sa contribution sur le bureau de la ministre de l’Outre-mer, la réponse doit commencer par des services administratifs autonomes, et non plus dépendant de La Réunion, en raison de « l’inadaptation des politique localement mises en œuvre » comme le souligne le sénateur dans sa note.
Des acteurs locaux « actifs »
Les exemples pleuvent : la politique pénale, décidée à Saint Denis « par des chefs de Cour déconnectés de nos réalités régionales », la politique familiale interrégionale « alors que Mayotte est le département qui connaît le plus fort taux de natalité », la politique de santé de l’ARS « avec une répartition budgétaire défavorable à Mayotte et une désertification médicale qui devrait appeler à une stratégie propre ».
A travers les thèmes abordés, Noussoura veut prouver plusieurs choses. « D’abord qu’un syndicaliste n’est pas la pour perturber l’ordre, mais aussi pour proposer ». Il souligne ensuite la frustration des mahorais « d’avoir jusqu’à présent subi les décisions parisiennes. C’est pourquoi les acteurs locaux doivent participer à l’élaboration de ce document cadre de développement de Mayotte, pour se l’approprier et le défendre ».
Et, reprenant la citation de J.F.Kennedy, « ne vous demandez pas ce que l’Etat peut faire pour vous, mais ce que vous pouvez apporter à l’Etat ». Une maxime « à appliquer dans tous les domaines ».
Le deuxième « discours de la méthode » concerne les délais exagérés de sortie des textes relatifs à Mayotte. « C’est le cas de l’alignement du régime de retraite sur la métropole pour lequel on nous dit qu’un amendement est pris. Les textes devraient être rédigés en collaboration entre les partenaires sociaux locaux et les services ministériels. Un accord trouvé en discutant est plus bénéfique que les allers retours sans fin des textes ».
Le prix social des économies
Sans cette organisation collaborative, la grogne pourrait de nouveau monter : « nous attendons toujours la révision de l’accord cadre du 8 avril 2009, pourtant demandé par Marylise Lebranchu, sur l’intégration des agents dans les trois fonctions publiques », comme « la désignation de cadre A et A+ locaux lorsqu’ils ont les compétences, qui a été stoppée sans que l’on sache pourquoi », ou encore l’attente de la lettre de mission qui doit mandater le préfet sur la rédaction du fameux document cadre « il doit servir à Hollande lors de sa venue à Mayotte en juillet ».
Lorsqu’on laisse pourrir la situation, il ne sort rien de bon. « Quand nous étions jeunes, nous avions une visibilité sur l’emploi. Nous devons donner envie à nos enfants d’y arriver ». Des exemples concrets, il en a plein la tête, « en développant un produit spécifique pour les cantines scolaires, on peut lancer une filière comme cela s’est fait pour les yaourts en métropole ».
Le problème des moyens se pose en période d’austérité où le gouvernement cherche à économiser 50 milliards d’euros : « Pour faire des économies à Mayotte, il faut justement mettre aujourd’hui les moyens qui conviennent pour qu’on ne paie pas demain dix fois la facture ».
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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