La Zone de Sécurité Prioritaire est une solution imparfaite. Les auditions des parlementaires ultramarins à la Commission des Lois de l’Assemblée nationale l’ont mis en évidence ce mardi.
Lors de sa réunion du 16 octobre 2013, la commission des lois de l’Assemblée nationale a décidé de créer une mission d’information relative à la lutte contre l’insécurité sur tout le territoire. Présidée par Jean-Pierre Blazy, elle a pour objectif, à partir d’un diagnostic sur l’évolution de la délinquance et de la criminalité et sa perception par l’opinion publique, d’analyser les moyens d’organiser la lutte contre les différentes formes d’insécurité à l’échelle nationale et locale.
C’est dans ce cadre que les parlementaires ultramarins étaient auditionnés ce mardi matin, « fait assez rare pour être souligné », indiquait Chantal Berthelot, la députée guyanaise. Les débats étaient retransmis en direct sur le net.
Au regard des chiffres de la délinquance qui sévit dans les autres territoires, Mayotte fait, et c’est tant mieux, pâle figure, puisque selon les chiffres rapportés par la député guadeloupéenne pour son département, « on déplore 38 homicides sur l’année 2013 ». C’est pourquoi notre île n’est pas encore concernée par la mise en place des Zones de Sécurité Prioritaire (ZSP), là où la Guyane en possède deux, Cayenne et Kourou et la Guadeloupe une. La Réunion et la Martinique étaient absentes des débats.
La ZSP une solution miracle…
Il faut dire que, comme le rappelait le sénateur Thani Mohamed Soilihi au président Jean-Pierre Blazy, Mayotte n’est toujours pas intégrée dans l’Observatoire national de la délinquance, « il est par conséquent difficile de mettre en place une politique en l’absence de données chiffrées ».
Tout en caractérisant la délinquance à Mayotte où 74,5% des faits sont des atteintes aux biens, le sénateur rappelait que 80% étaient commis par des mineurs. L’absence de politique sociale, « le budget de l’Aide Sociale à l’Enfance est de 5%, contre 65% dans les autres DOM », et de politique d’encadrement induit un « niveau d’insécurité devenu alarmant et une nécessaire mobilisation massive des moyens pour redonner à l’île l’attractivité qu’elle avait et répondre à l’aspiration de tranquillité de la population mahoraise ».
Pas de solutions « budgétivores » dans la bouche du sénateur, mais un appel à la concertation entre services de l’Etat, du Conseil général et des communes, et une coordination police-gendarmerie. « Une coordination qui est précisément au cœur d’une Zone de Sécurité Prioritaire. Il faut la redemander ! », appuyait Jean-Pierre Blazy.
… qui déplace les problèmes en périphérie
Bien que s’étant positionné en faveur d’une ZSP, Thani Mohamed accueille la proposition avec scepticisme, « on nous a trop souvent présenté des coquilles vides comme la départementalisation, il faut appliquer les contenus, et donc une coordination, avant tout ».
Une remarque accréditée par le témoignage de la Guadeloupéenne Gabrielle Louis-Carabin. « Quand la coordination existe en Guadeloupe, ça porte ses fruits car le gendarme ne maîtrise pas la langue créole, or nous parlons créole, il ne connaît pas les quartiers, mais quand il collabore avec le policier, ça marche ». Ainsi, la ZSP a eu des effets bénéfiques, « 40% de braquages en moins ».
Mais le problème de drogue se propage partout, « aux abords des collèges et lycées, même devant les écoles primaires. En dehors des ZSP, il faudrait des opérations coup de poing dans certains quartiers, d’anciennes zones d’habitat insalubre résorbées il y a 30 ans qui deviennent des zones de non droit ».
Les limites des ZSP sont posées. On peut parvenir à les éviter à Mayotte en menant dès maintenant un travail de coordination gendarmerie-police, « et douane pour le trafic de drogue », rajoute la députée.
Une réflexion à reprendre localement.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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