CARNET DE JUSTICE DU JDM. Après 33 ans de carrière militaire, ses états de service étaient impeccables. Côte d’Ivoire, Cameroun, deux séjours en Afghanistan, il avait servi l’armée et son pays d’une belle manière. Seuls deux moments difficiles assombrissaient ce beau parcours. Il y avait, en novembre 2003, le décès d’un de ses collègues qu’il porte toujours en culpabilité, il estime ne pas avoir fait tout ce qu’il aurait dû pour éviter sa disparition.
Au Cameroun en 2006, l’affaire était plus personnelle. Il s’agissait d’une liaison extraconjugale, très mal vécue par son épouse mais finalement surmontée par le couple.
Et puis, le 15 et le 17 avril dernier, soudainement, l’incompréhensible. Tout bascule. Le militaire est rapidement contraint de quitter Mayotte pour une mutation en Métropole. Il n’est revenu, ce mercredi 20 mai, qu’après convocation du tribunal correctionnel. Il devait répondre de violence et agressions sexuelles.
A l’appel de son nom, il s’avance à la barre. Calme, réservé, «timide» comme le décrit son expertise psychiatrique. Il parle distinctement, répond clairement, franchement, sans détour aux questions du tribunal, comme on attend d’un militaire qu’il le fasse. Il reconnaît les faits.
Une exhibition comme proposition
Dans ce dossier, la victime est femme de ménage. Elle est assise au premier rang, le traducteur à côté d’elle. La dame, elle aussi, est discrète et vit probablement un moment difficile. Déballer une telle histoire en public est probablement une épreuve, surtout que la salle est pleine, des classes du collège de Tsingoni sont venues assister à l’audience du jour. Mais elle là, simple et digne.
Le président lit l’énoncé des faits. Ce mardi 15 avril, l’adjudant revient du sport et croise la femme qui travaille dans ces bâtiments militaires depuis longtemps. Il est 7h30 et elle n’est pas très bien, elle lui demande un verre d’eau. Elle se rend compte alors que l’homme a sorti son sexe de son short. Il lui demande si elle peut nettoyer son bureau, elle refuse. Trois fois.
Trois heures plus tard, elle accède à la pièce, c’est alors qu’il lui touche les seins. Elle le repousse, il ne comprend pas. Il lui demande pourquoi elle ne veut pas. Elle veut qu’il arrête, finalement il renonce.
La scène se répète
Elle ne travaille pas le mercredi mais le jeudi 17 avril, elle est de retour dans l’enceinte militaire. «Je me suis dit que s’il faisait la même chose, j’irai voir le commandant», déclare-t-elle en déposant plainte. Il va effectivement recommencer.
Il est à nouveau de retour du sport et croise la femme. Le sexe dans sa main, il lui demande de la suivre dans les toilettes. Elle s’éloigne, en parle à un autre militaire, la machine répressive est lancée.
Le président essaie de comprendre. «Votre dossier psychiatrique indique également que vous êtes tolérant à la frustration. Que se passe-t-il ces jours-là pour que vous passiez à l’acte ?»
Pour seule réponse, il présente ses excuses pour les dommages qu’il a pu créer. Son avocate, Maître Fatima Ousseni, va d’ailleurs expliquer qu’il ne lui a parlé que de la victime, alors que les prévenus de ce genre d’affaires sont souvent plus préoccupés du regard social et des conséquences de leurs agissements sur leur propre vie.
Le courage de la victime
La victime, la procureure va saluer son courage pour dénoncer une telle agression, dans un contexte militaire où elle est en situation d’infériorité sociale et morale. «Je la remercie car je trouve important que les personnes victimes de faits à caractère sexuel, viennent, soient entendues et que leur qualité de victimes soient reconnues.»
L’homme est condamné à 6 mois de prison avec sursis, 4.000 euros d’amende et 1.000 euros de dommages et intérêts à verser à la victime. Déjà muté, il va devoir à présent faire face à la procédure disciplinaire en cours au sein de l’armée. Dans cette affaire, sa condamnation du jour n’était pas la dernière.
RR
Le Journal de Mayotte
Comments are closed.