Recensement ou taux d’inflation, l’INSEE est périodiquement la cible de critiques. Jean-Luc Tavernier, de passage à Mayotte, nous a exposé les difficultés locales.
Jean-Luc Tavernier est directeur général de l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economique (INSEE) depuis deux ans. Il s’était alors promis de faire le tour de l’ensemble des établissements du territoire. C’était cette semaine le tour de La Réunion et Mayotte.
L’INSEE à Mayotte est un Service régional de 10 agents, « je les ai tous rencontrés », tient à préciser Jean-Luc Tavernier, justifiant, aux côtés de Valérie Roux, Directrice régionale La Réunion-Mayotte, la vague de départs récents par de la mobilité au bout de quatre ans, et des départs en retraite. « J’ai trouvé des gens engagés dans l’amélioration des statistiques sur le territoire ».
Car Mayotte souffre de déficience de données, le sénateur Thani Mohamed Soilihi a d’ailleurs interpellé le gouvernement à ce sujet il y a quelques semaines, déplorant un recensement quinquennal, là où il est annuel partout ailleurs.
Un recensement périodiquement critiqué, tant pour l’évaluation de la population totale de 212.645 habitants en 2012, que sur la proportion des étrangers, 40 %. « Nous n’avons pas pour vocation de sortir un recensement qui corresponde au ressenti de la population », expliquent en chœur les économistes qui défendent leur méthode basée sur la cartographie des logements qui sont ensuite systématiquement visités.
Quant à mettre en place un recensement annuel continu, ils invoquent l’absence d’accompagnement : « en métropole, les cartographies reposent sur le fichier Citadelle qui recense les constructions, ici nous avons tout fait nous-mêmes. Et le recensement est confié aux communes. A Mayotte, elles en sont aux balbutiements de la gestion d’un fichier administratif ».
Un recensement continu qu’ils estiment aussi moins efficace, « il repose sur une extrapolation à partir de 40% des logements pour les grosses communes ».
Sur l’ensemble des données statistiques, là encore, ils invoquent des difficultés : « En France, il y a une tradition séculaire de conserver les données statistiques, ce qui n’est pas le cas de Mayotte », commente Jean-Luc Tavernier qui invoque plusieurs manques du territoire, « l’information de base vient des municipalités qui doivent enregistrer les naissances et les décès. Or, il y a peu de décès enregistrés au regard de la population totale, ce qui fausse les études sur l’espérance de vie par exemple ».
Gros manques également en matière de données sur les entreprises, « les cessations d’activité sont peu ou pas déclarées à Mayotte, le greffe du commerce est à l’arrêt, et le secteur informel est encore prégnant ! »
Le PIB, bientôt en agence !
Pas de problème en revanche sur les Indices des Prix à la Consommation, « nos enquêteurs relèvent chaque mois les prix de 1.000 produits dans le plus grand des secrets et sur 140 points de vente », défend Jamel Mekkaoui, le chef de service régional de l’INSEE Mayotte. D’autres failles existent comme l’absence totale de données locales sur le site national.
Le dernier PIB (produit Intérieur Brut), qui évalue la richesse produite sur le territoire date de 2009, « les valeurs 2011 et 2012 seront publiées cette année ».
« Nous poursuivons malgré tout notre convergence vers la métropole », rassure le Polytechnicien et diplômé de l’Ecole nationale de la statistique et de l’administration économique (ENSAE), Jean-Luc Tavernier. Il en veut pour preuve le recrutement de nouveaux enquêteurs, « ils sont 14 actuellement », et annonce la proche publication d’une enquête emploi au sens du BIT en juillet, et logement pour l’année prochaine.
Si révolution il doit y avoir, elle viendra donc prioritairement du fichier administratif des collectivités territoriales, de la Sécurité sociale, du Centre de Formalité des Entreprises, « ce sont nos piliers », en faisant du pied aux parlementaires, « ils doivent accompagner cette amélioration sur le territoire ».
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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