Il y avait foule au Séminaire* de mise en place à Mayotte des Centres communaux d’action sociale. Mayotte va enfin pouvoir bénéficier d’une politique sociale de proximité.
Est-ce une prise de conscience ? Ou la méthode choisie avec démarchage sur le terrain des équipes municipales ? En tout cas, le CNFPT (Centre National de la Fonction Publique Territoriale) d’Alain Le Garnec pouvait se féliciter d’un beau succès qu’il partagera volontiers avec la formatrice en charge du Pôle Social Marie-Josée Boujou, sur le départ : ils étaient plus de cent élus, associations, travailleurs sociaux à s’être déplacés jusqu’au Café Room de Combani.
Qu’est ce que l’action sociale ? C’est en 1980 qu’on passe de l’aide sociale à l’action sociale. Elle vise à améliorer les conditions de vie des habitants d’un territoire, en aidant les personnes les plus fragiles à mieux vivre, notamment les enfants, les personnes en difficulté, les personnes âgées ou à mobilité réduite.
Par qui est-elle assurée… ou pas ? C’est le secteur de compétence du Conseil général, qui n’a que peu investi le domaine à Mayotte, officiellement en raison de restrictions budgétaires, officieusement avec la pensée qu’elle était dédiée sur le territoire à une partie de la population issue de l’immigration, donc en lien avec une mission régalienne de l’Etat.
Le social, une affaire de famille à Mayotte
On voit donc que l’action sociale menée par les communes, si elle est un « plus » ailleurs, devient prioritaire à Mayotte. « Le Centre communal d’action social a d’ailleurs été rendu obligatoire par le code des familles », souligne Alain Le Garnec, directeur du CNFPT, « la commune peut l’exercer a minima ou l’étendre à tous les services rendus à la population ».
Il faut appréhender cette liberté d’actions pour comprendre combien les acteurs sont motivés : « nous avons été les premiers à créer un CCAS à Pamandzi, contre la volonté de l’Etat et sans assistance financière », rappelait la maire-médecin Ramlati Ali. Et depuis, les chantiers se succèdent, il n’est pas une semaine sans qu’une action, comme les chantiers écoles, soient mise en place par Adrien Michon.
L’ex maire de Pamandzi rappelait les spécificités mahoraises, « une aide sociale assurée jusqu’à présent par la famille et le voisinage », et appelait à l’innovation « qui se fera par la prise en main par les élus. Ils doivent répondre à la situation de mendicité à laquelle nous sommes arrivés ! »
« Personne ne remercie le Conseil général ?! »
Un élu du département, il y en avait un, Jacques-Martial Henry qui s’étonnait, goguenard, que personne n’ait remercié le Conseil général bien conscient de ses insuffisances, lui qui a récupéré le social : « une masse salariale qui dépasse celle des conseil général et conseil régional de Guyane réunis ! Et peu formée ». Une faille que va bientôt réparer le CNFPT qui propose des formations ciblées.
L’objectif du séminaire était que chaque commune se dote de son CCAS (il n’y en a que 3 à Mayotte, Pamandzi, Tsingoni, Sada), « puissant levier pour mettre en synergie acteurs publics et privés », indiquait Thani Mohamed Soilihi, qui bien que militant de l’action sociale à travers Tama, avait repris sa casquette de sénateur pour une autre approche, « dans une période de restriction de moyens, il faut se pencher sur l’intercommunalité et la mutualisation de certaines structures ».
Si chacun des trois CCAS mahorais s’est exprimé sur ses actions en faveur des personnes âgées ou handicapées, le témoin était passé par Jacques Lombardi, à la tête du CCAS de Saint-Pierre (La Réunion) qui a 25 ans d’existence. Il félicitait tout d’abord les nouvelles équipes municipales “qui ont fait du social leur cheval de bataille ».
Recettes pour récupérer des finances
Et provoquait quelques clameurs lorsqu’il annonçait un budget de 14 millions d’euros : « toute la politique de notre maire s’appuie sur le CCAS », justifiait-il. Mais un budget qui n’est pas tombé du ciel, et dont il transmet les recettes : « nous avons appris à utiliser le Fonds de Solidarité Européen auquel vous pouvez désormais prétendre, et pensez à votre CAF qui signe actuellement avec l’Etat une Convention d’objectifs et de gestion qui permet d’avoir des moyens sur la parentalité ou l’accueil des mineurs ».
La politique de la ville ou les 700 millions d’euros que le gouvernement dégage pour la loi sur l’autonomie et le vieillissement sont à sonder.
Pour élaborer les axes de l’action sociale, Jacques Lombardi recommandait surtout de s’appuyer sur les handicaps, « habitat insalubre, violences intra familiales, flux migratoires », mais aussi les atouts du territoire, « stabilité du statut départemental, forte croyance, sens de l’accueil ».
Les contraintes financière actuelles incitent à deux adaptations : « la créativité et la mutualisation des moyens ».
Alain Le Garnec l’avait salué en préambule : « Pour réussir l’action sociale, il faut trois éléments : la volonté politique, le besoin, et la mobilisation des acteurs. Votre présence massive atteste qu’elles sont toutes les trois réunies ». Et de fait, certaines communes sont déjà en train de finaliser leur décision.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
*3 ateliers se sont déroulés dans la journée : “CCAS, quelle stratégie adopter?”, “Personnes âgées, handicap, petite enfance, insertion sociale et professionnelle : comment adapter les dispositifs au public?”, “Des actions collectives pour mutualiser les ressources locales : l’économie solidaire peut-elle apporter des réponses ?”.
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