Sur les trois officiers décorés par le ministre de l’Intérieur ce jeudi, deux étaient originaires de l’île. Et pour en arriver là, tout ne fut pas simple pour eux…
La cérémonie devait avoir lieu le 30 mai dernier. Mais à l’annonce de l’arrivée du ministre de l’Intérieur, les représentants de l’Etat à Mayotte ont décidé d’honorer les récipiendaires.
C’est donc ce jeudi que le commandant Georges Marceau, Direction de la Police aux Frontières, le commandant de police Hervé Monié Mali et le capitaine de police Chaharoumani Chamassi ont été décorés respectivement de l’insigne de Chevalier de la Légion d’Honneur, et de Chevaliers de l’Ordre National du Mérite pour les deux policiers mahorais, par le ministre Bernard Cazeneuve.
La cérémonie a certainement gagné en solennité ce qu’elle aura pu perdre en intimité puisque les officiers n’ont pas pu prononcer de discours entourés de leurs familles et de leurs amis. Néanmoins, le capitaine Chamassi envoyait aux médias un long courrier de remerciements, traduisant son « émotion » et sa « confusion » : « A travers ma nomination ce sont les enfants des îles de l’océan Indien qui se battent pour un avenir meilleur qui méritent cette reconnaissance ».
« A l’école du civisme »
Et en bon enfant de l’île, il remercie « toutes les mamans qui nous ont tous portés dans leur ventre et qui se battent pour l’avenir de leurs enfants malgré les challenges de la vie moderne », et en particulier la sienne, Fatima Malik, « ce qu’elle possède vaut plus que le bac plus 10 ».
Sa scolarité a oscillé entre Mayotte et Anjouan, pour terminer par des études à L’École Nationale Supérieure des Officiers de Police en Métropole. Mais l’école c’est aussi et surtout la coranique, « l’école du civisme », comme il l’appelle, « où on m’a inculqué, on m’a enseigné, bien avant l’école française, le respect du plus grand, du plus petit, le respect de l’étranger, la tolérance, l’humilité, le travail manuel lié à la terre ».
Et alors que les questions d’identité se posent aux habitants d’une île en pleine mutation, Chamassi qui vient d’avoir 50 ans, s’interroge, « Qui suis-je ? Ou plutôt qui est Mahorais aujourd’hui ? », et confie « le Mahorais est celui, quelques soient ses origines, quelque soit son lieu de naissance, apprécie Mayotte, apprécie les Mahorais et Mahoraises en respectant ses mentalités, ses traditions et ses sensibilité ».
Fonds de culotte usés
Une médaille qu’il dédie aux enfants de Mayotte, « qu’on voit sur les terrains vagues, au bord des routes, à la décharge, sur nos places publiques ne sont pas forcement tous des enfants isolés. Je suis le reflet de l’un d’eux. J’ai joué dans les terrains vagues, dans les places publiques, dans les mangroves aux pieds nus. J’ai fait la glisse sur les collines en transformant mes caleçons en haillon avec deux trous derrière en forme de lunette ».
Mais le parallèle s’arrête là, « nous continuons à façonner des enfants frustrés, ces enfants représentent ‘un volcan endormi’. Ces enfants nous font tous signe qu’ils ont besoin de nous ».
Un problème auquel il propose la solution du retour aux cours de civisme donnés par l’école coranique, « en les modernisant » : « ils seront aux mains des sages comme à l’ancienne, au lieu d’aller commettre des actes d’incivilité, des actes illégaux (…) Bien éduqués nous récolterons tous le fruit de leur éducation ».
Une longue lettre qu’il termine en remerciant sa femme, Zoulfati, et ses enfants Charmzoul, Charmane, Chaer, Chayma et Chaera.
A.P-L.
Le Journal de Mayotte
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