Les élections municipales de mars dernier avaient fait l’objet de recours dans 7 communes auprès du Tribunal administratif. Celle de Mtsangamouji a été invalidée en juillet, il restait Dembéni, Koungou et Ouangani à juger. Le rapporteur public a demandé l’annulation des scrutins dans les deux communes. Explication par commune.
KOUNGOU: LA LETTRE DU MAIRE EN CAUSE
Les élections municipales des 23 et 30 mars 2014 avaient maintenu à son poste de maire Assani Saindou Bamcolo avec 32 voix d’avance sur les listes UMP d’Ali Toyfati Ahamadi et de Saïd Ahamadi dit « Raos », parti social mahorais. Une quatrième liste Anlimou Souffou Kassim s’était désistée.
Ce sont deux membres de la liste de Sidi Hamada Hamidou, qui s’est désisté au deuxième tour, qui ont déposé les plaintes. Elles portaient sur l’achat de voix, des inscriptions fictives et une propagande dans la période électorale.
Devant le tribunal administratif, la procédure est essentiellement écrite. Les échanges d’argumentaires écrits y tiennent une grande place. Plusieurs magistrats étudient l’affaire. L’un d’entre eux en est toutefois plus spécialement chargé : c’est le rapporteur public qui doit donner son appréciation et la solution à donner au litige.
Lors de sa prise de parole, celui-ci indiquait que la première plainte, hors délai, était irrecevable. Et incitait le président du tribunal à écarter comme griefs recevables les achats de voix par contrats uniques d’insertion, par réalisation de travaux municipaux, ainsi que les radiations abusives et les inscriptions fictives de personnes.
« Un grief doit par contre amener à l’annulation de l’élection, celui de l’utilisation de la propagande par voie de presse dans les six mois précédant le premier tour des élections », indiquait-il. A moins d’une publication périodique et contenant des informations générales dénuées de connotation électorales.
« Le rôle pacificateur du maire lors des affrontements »
« Or, nous sommes en présence d’un bulletin municipal, sorti le 9 décembre 2013, publiant la photo du maire s’adressant à ses administrés et brossant une situation catastrophique de l’état de la commune à son arrivée lors de son premier mandat, et vantant les efforts faits pour la redresser, et appelant à ne pas briser cet élan. D’autre part, aucune périodicité n’est établie car il s’agit du bulletin numéro 1 », concluait le rapporteur public, proposant l’annulation de l’élection.
Les avis du rapporteur public sont habituellement suivis au tribunal administratif. La nouvelle, qui circulait donc déjà depuis deux jours à Koungou, publiée ce jeudi matin par un média local, a donc réjoui l’opposition. Il faut rajouter que des plaintes ont été déposées au pénal après cette élection. D’autre part, une annulation invaliderait l’élection du maire de Koungou à la tête du syndicat intercommunal des déchets, le SIDEVAM 976.
Le conseil du maire reprochait une remise en cause du suffrage universel « sur la seule périodicité d’un bulletin municipal », rappelait le rôle pacificateur d’Assani Saindou Bamcolo lors des affrontements entre jeunes de Kawéni et Majicavo le mois dernier, et invitait la cour à ne pas confirmer l’annulation : « je vous invite à tromper la presse ! »
Dehors, Siddi Hamada Hamidou dont les deux colistiers avaient déposé les recours restait prudent tout en se félicitant de l’avis rendu : « le Tribunal a montré que nous sommes dans une République, mais laissons le président seul souverain prendre sa décision ».
L’affaire est mise en délibéré, il devrait être rendu avant un mois. A noter que deux têtes de listes ne pourront se représenter si les électeurs doivent revoter : Saïd Soiffaoui et Ali Anlimoudi sont inéligibles pour un an pour n’avoir pas déposé leurs comptes de campagne.
DEMBENI: LES BULLETINS DU 1er TOUR UTILISES POUR LE 2nd
Le soir des élections municipales, le JDM écrivait : «Le maire sortant est réélu mais le scrutin a été entaché d’un problème de bulletins de vote. Des électeurs ont en effet voté avec des bulletins du 1er tour. L’élection étant très serrée, les tensions étaient vives au moment du dépouillement d’un bureau de vote. Des contestations sont à prévoir.»
Et les contestations avaient, depuis, pris la forme de manifestations devant la mairie et d’un recours devant le tribunal administratif. 7 voix seulement séparaient le maire sortant réélu, Soihibou Hamada (1.134 voix et 47,47% des suffrages) de la liste menée par Ambdi Jouawaou (Mouvement Jeunes Unis/UMP, qui a obtenu 1.117 voix soit 47,17%).
Les contestations portaient sur deux bureaux de vote. D’abord le N°62, celui de Tsararano. Le rapporteur a noté que la tenue des PV et des registres «manquaient de rigueur» mais les erreurs constatées n’apparaissent pas de nature à modifier les résultats. Sur ce bureau, le rapporteur demande de ne pas retenir le recours.
En revanche, sur le bureau N°7, celui qui se trouve à la mairie de Dembéni, les fameux bulletins du 1er tour qui se retrouvent utilisés au second posent problème. Ils n’ont pas été retenus au dépouillement provoquant la perte de 37 voix pour la liste perdante menée par Ambdi Jouawaou. S’ils avaient été comptabilisés, le résultat de l’élection aurait été inversé.
Pour le rapporteur, «la mise à disposition de ces bulletins est attestée». Par ailleurs, pour lui, on peut exclure que les électeurs insatisfaits utilisent ces mauvais bulletins en guise protestation électorale, par exemple pour dire leur mécontentement face à la fusion de listes entre les deux tours. Il conclut donc à l’annulation de l’élection.
Après l’avis du rapporteur, Me Rémi Boniface, l’avocat réunionnais du maire sortant réélu va faire une longue plaidoirie étonnante. Il ne parle quasiment pas de droit mais de politique, replaçant le contexte tendu de cette élection et en particulier la volonté de M. Jouawaou de retrouver le siège de maire qu’il avait occupé pendant 25 ans et qu’il avait perdu au précédent scrutin. « A-t-on la preuve formelle que dans les piles du 2nd tour se trouvaient des bulletins du 1er tour ?» interroge-t-il. «Non», conclut-il.
Le tribunal administratif devra trancher avant un mois mais l’usage veut que le TA suive l’avis du rapporteur.
A la sortie, les partisans de M. Jouawaou se disaient prêts pour une nouvelle campagne : «Ça va être tendu mais je pense que le gens vont nous faire confiance. On va travailler encore plus dur pour gagner !» prévenaient-ils.
Si la décision du TA annule l’élection, le maire sortant pourra encore faire appel de la décision. Un nouveau scrutin n’est donc, selon toute vraisemblance, pas pour tout de suite.
Les résultats des municipales à Dembéni.
2nd tour du 30 mars :
M. HAMADA Soihibou, Union: 1.134 voix soit 47,47%. ELU
M. JOUWAOU Ambdi Hamada, Mouvement Jeunes Unis:1;117 voix soit 47,17%
M. SAINDOU Rachadi, Sans ?tiquette:127 voix soit 5,36%
1er tour du 23 mars 2014 :
Inscrits : 3152
Abstentions : 786 soit 24,94%
Votants : 2366 soit 75,06%
Blancs et nuls : 46 soit 1,46% des inscrits et 1,94% des votants
Exprimés : 2320 soit 73,60% des inscrits et 98,06% des votants
M. JOUWAOU Ambdi Hamada, Mouvement Jeunes Unis : 38,36%
M. HAMADA Soihibou, Union : 35,86%
M. SOULA Maoulida, UMP : 14,96%
M. SAINDOU Rachadi, Sans étiquette : 10,82%
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