En inaugurant hier la Maison d’arrêt de Majicavo Koropa, la ministre de la Justice a prononcé un discours portant sur sa conception de l’incarcération, en réhabilitant la notion même de prison.
C’est un futur Centre pénitentiaire qui se construit peu à peu à Majicavo : avec 152 places au Centre de détention pour hommes et 30 places dans le quartier mineurs, la capacité s’accroit à 278 pour un établissement dont la surpopulation avait atteint 200%. Le quartier des femmes sera tout neuf, mais conservera la même capacité de 6 places, étant rarement rempli.
Car la délinquance à Mayotte revêt un aspect particulier puisque 36% des mineurs sont impliqués dans des faits de délinquance contre 13% en métropole en 2012 (Source Inhesj). Une population qui illustre la citation de Victor Hugo rapportée par la ministre : « chaque fois que vous ouvrirez une école, vous fermerez une prison ».
Christiane Taubira a martelé que la politique pénale et la politique carcérale doivent être pensées de concert : « on relève le niveau de l’institution judiciaire en réfléchissant à la façon dont les peines sont conçues. Il ne faut pas rompre le lien social ».
« Les Outremer négligés »
Or, pour l’ancienne députée guyanaise, les Outre-mers ont longtemps été négligés, « ils ont pourtant des particularismes transversaux ». Or, le taux d’aménagement des peines y est plus faible que dans l’Hexagone, « la réinsertion n’est pas assurée ».
Il faut aussi en chercher la cause dans le manque de partenaires, « notamment d’un Juge d’Application des Peines qui examine chaque situation », mais aussi de conseillers d’orientation et de probation qui travaillent sur l’aménagement de peine. La ministre en annonçait un millier, recrutés sur l’ensemble du pays. 77 familles d’accueil sont recensées à Mayotte, et seul le Centre Tama peut accueillir 12 mineurs.
Dès janvier 2015, une des propositions de la ministre, la libération sous contrainte sera applicable sur le plan national, « pour exécuter une peine en milieu ouvert ». Les parlementaires peuvent se rendre en visite dans les prison, « avec éventuellement des journalistes pour lesquels j’ai proposé un texte de loi sur la protection des sources, mais que je n’arrive pas à faire voter ».
Le chantier de la prison participe à la réinsertion
Le chantier de 62 millions d’euros du Centre pénitentiaire mené par Céline Parreau, de l’Agence Publique pour l’Immobilier de la Justice qui représente l’administration pénitentiaire sur la maitrise d’ouvrage, a sollicité des entreprises locales, dont le cabinet Delta de Nadine Affidhou. Des entreprises qui ont joué le jeu de l’insertion en proposant 35 000 heures à des détenus.
« Notre société entretient un rapport ambigu avec ses prisons », avait introduit Christiane Taubira, anticipant les critiques sur un lieu privilégié, où les familles des détenus bénéficient d’appartements, où les personnes incarcérés ont des cellules individuelles, dont certaines avec vue sur le lagon, et peuvent profiter de cuisines, d’une bibliothèque et d’un lieu de culte multiconfessionnel… « Mais quand la prison est vétuste, elle déshumanise et c’est insupportable pour la société ».
Sa visite ce mardà Majicavo se concluait sur la remise d’une médaille d’honneur de l’administration pénitentiaire à Nathalie Boisseau, Directrice adjointe de la Maison d’arrêt, et de décorations aux surveillants qui s’étaient illustrés par leur courage lors d’un incendie en août 2013.
La ministre se disait fière d’un établissement sis dans une zone où vont cohabiter différents publics, « des collèges aux côtés d’une prison, c’est en les situant au cœur de la vie qu’on évitera que les liens familiaux soient rompus ».
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
Comments are closed.