A Mayotte, pourquoi les montants des retraites sont-ils si faibles ? Le front de mer est-il condamné à n’être qu’une Arlésienne ? Et l’intérim qui n’existe pas ou les logements sociaux qui ne voient jamais le jour… La réponse à ces questions est dans les dérogations qui excluent Mayotte de champs législatifs, mais aussi dans les capacités à les appliquer.
Les participants à l’atelier piloté par le député Ibrahim Aboubacar sur l’élaboration du document qui doit conduire Mayotte vers 2025, tentent de répondre à la problématique d’un « cadre institutionnel performant » pour aboutir à une départementalisation égale aux autres Outre-mer.
« Nous n’allons pas partir des méandres de la loi, mais des préoccupations de la population pour voir ensuite ce qui relève d’un blocage législatif, réglementaire ou de la bonne entente entre acteurs », prévient Ibrahim Aboubacar à l’intention de ses interlocuteurs : l’ensemble des organisations patronales dont la Confédération Générale des PME mais un Medef absent, des organisations syndicales CFE CGC, CFDT, CGT, Conseil général, préfecture et les services de l’Etat, la Direction du Travail et de l’emploi (Dieccte), la Direction de l’Equipement (DEAL), et la Direction de l’Agriculture (DAAF).
Si ce 6ème atelier sur les 7 que compte « Mayotte 2025 » échoit à Ibrahim Aboubacar, c’est en raison de sa connaissance du cadre législatif : « lorsque la loi Duflot sur le logement est parue, tout le monde à Paris m’a assuré que le texte était applicable à Mayotte. J’ai du fouiller pour découvrir que le droit au logement opposable* ne l’était pas », expliquait-il en préambule.
Et le représentant de la Dieccte Alain Matthieu l’avouait, « je n’y comprends rien, l’application du droit du travail à Mayotte est un vrai gruyère ».
« Appliquer l’ensemble du droit du travail »
L’impossibilité de transposer des textes, partiellement adaptés par le passé, alors que d’autres se sont rajoutés, impliquait une première décision appelé par la Dieccte, et approuvée par tous : « il faut transposer au département l’ensemble du droit du travail et si un point pose problème, il sera différé dans le temps avec un calendrier bien précis ». Les partenaires sociaux vont travailler sur un texte produit par la Dieccte.
D’autres droits que celui du travail posent problème, mais pour des raisons plus pittoresques, tel le cas de la sécurité sociale et du système des retraites : les mêmes syndicats qui viennent de signer une motion pour un rattrapage rapide du plafond métropolitain, avaient signé un échéancier jusqu’en 2036… « Ce sont les mêmes qui signent un document et qui descendent ensuite dans la rue ! Faut pas être schizophrène ! », ironisera Ibrahim Aboubacar, qui insiste, « c’est là un de nos problèmes ».
Des discussions il ressort que, sur les retraites, le blocage vient plutôt des partenaires sociaux, et davantage du patronat que des salariés, sur le paiement des cotisations complémentaires. Sur ce thème, comme sur la partie maladie ou des allocations familiales, les partenaires sociaux vont se réunir et élaborer un document de travail dans la semaine à venir : « il faut un calendrier pour chacune des avancées, comme celle du RSA à 100% ».
Un éducateur sportif pour 20 gardiens…
Se posait la question de la gestion des droits sociaux. Faut-il qu’elle soit Réunionnaise ou Mahoraise ? Ibrahim Aboubacar avançait les deux écoles : celle où le déséquilibre du nombre des parlementaires entre les deux îles fait pencher la balance en faveur de la défense des droits des assurés sociaux de l’île Bourbon, et celle qui vient se calquer sur le débat national de la rationalisation des structures de gestion pour faire des économies d’échelle : « il faut trouver un équilibre ».
Quant à l’habitat et au logement, pour la Dieccte tous les textes s’appliquent à Mayotte, « mais les collectivités ne parviennent pas à mettre en place la réglementation existante ». Ressortait ce qui est déjà une évidence, « il faut renforcer les compétences au sein des collectivités ».
Et Ibrahim Aboubacar de citer un rapport du CNFPT chiffrant à 29 seulement le nombre d’animateurs et d’éducateurs sportifs dans l’ensemble des collectivités de l’île, « alors que nous avons 600 gardiens et 500 agents d’entretien ! Soit on laisse en l’état en attendant qu’ils prennent leur retraite, soit on les reconvertit pour dégager aux collectivités des marges de manœuvre sur leurs compétences nouvelles ».
En matière d’habitat, les éventuels écarts avec les DOM, notamment sur les allocations logement, doivent faire l’objet d’un tableau dans la semaine à venir, et les problèmes de régulation foncière ou d’aménagement, la recherche d’une structure de gestion adéquate, « une intercommunalité ou une agence qui mutualise les moyens », glissait Said Bastoi, président de la CGPME.
Programmée mercredi 22 octobre, la prochaine rencontre entrera dans les détails avec des personnes-ressource plus spécialisée dans leur domaine, qui apporteront leur éclairage pour donner à Mayotte sa juste place en 2025.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
* Permet aux personnes mal logées de faire valoir leur droit à un hébergement digne
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