Gwénaële Maandhui, de son nom d’artiste Maféda, expose jusqu’à la fin du mois au CDTM. Professeur d’arts plastique, elle revient sur ce qu’elle a vu et compris de l’évolution du rapport à la création des jeunes de Mayotte durant les 20 dernières années.
Sur Petite-Terre, si vous cherchez Gwénaële, peu de monde sera capable de vous guider. Mais Maféda (la maman de Féda) est en revanche connue de tous. Maféda/Gwénaële va bientôt fêter ses 20 ans à Mayotte. 20 ans de vie et d’expositions. Cette année, après avoir investi le festival de l’image sous-marine et la maison du gouverneur pour les journées du patrimoine, la voici au Comité du tourisme.
«Ma première grosse expo, c’était une installation assez surprenante à la bibliothèque de Cavani», se souvient Maféda. «Il y avait plein de cordages entre lesquels il fallait se faufiler pour voir les tableaux entre les livres. J’aime bien créer des ambiances particulières. » Évidemment au CDTM, ce n’était pas possible, les tableaux doivent se contenter de cohabiter avec les grandes affiches qui vantent les charmes de Mayotte. Le lieu aurait pu, en revanche, permettre de jouer avec une particularité de son travail actuel : celui d’utiliser des bâches comme support et donc de proposer des œuvres des deux côtés permettant de suspendre ses créations au milieu d’un espace.
Des œuvres positives
«J’utilise beaucoup la couleur, c’est primordial. J’ai toujours essayé d’être positive, essayer de donner de l’énergie, du bonheur et beaucoup de mouvement dans ce que je fais. Ceux qui ont vu mes peintures il y a 15 ans, arrivent à reconnaître mon travail aujourd’hui, ce qui me surprend toujours parce que j’ai beaucoup changé!»
Son rêve serait évidemment de parvenir à vivre de sa peinture, même si à Mayotte, peu en ont la possibilité. Gwénaële est donc également professeur d’arts plastiques. Et en 20 ans, elle vu changer le rapport à création et sauter le tabou religieux qui amenait beaucoup d’élèves à lui expliquer que Dieu interdit de dessiner.
«Quand je suis arrivée, en 1995, je montrais un dessin aux enfants qui représentait un personnage dans l’eau. On voyait le buste de l’homme et les traits des vaguelettes autour de lui. La plupart des enfants pensaient que c’était un personnage coupé en deux. Le rapport à l’image et encore plus à l’abstraction est tout neuf à Mayotte. Bien sûr, maintenant avec la télévision et internet, on voit tellement de choses. Du coup, les élèves ont beaucoup changé. Avant, ils buvaient tout ce qu’on leur disait. Maintenant, il faut les contenir, ils ont un rapport au savoir très différent, ils posent des questions, ils osent échanger et argumenter.»
Libération des consciences
Gwénaële profite de cette libération des consciences qui rend les jeunes très créatifs. «De plus en plus, on arrive à discuter de ce qu’ils font. Par exemple, je fais travailler mes élèves de 3e sur un autoportrait qui doit intégrer ce qu’ils sont à l’intérieur. Et ils sont tous, très surpris d’entendre les autres parler de leur portrait et de ce qu’il révèle d’eux-mêmes. Il y a 15 ans, c’est un travail qui n’aurait pas fonctionné.»
Depuis 2 ans, Maféda emmène quelques unes de ses créations à l’école. «Les jeunes ne vont pas voir d’expo et il n’y a pas de musée. Alors j’ai décidé de leur amener l’exposition. Et ça suscite à chaque fois beaucoup d’envies. Quelques uns seraient même prêts à prendre des cours particuliers pour maîtriser les techniques et peindre à leur tour !»
Pendant ces vacances, Maféda/ Gwénaële est tous les samedis matins au CDTM, Place de la République pour parler de son travail au milieu de son exposition. Enfin, petit détail cocasse, la date du vernissage est prévue pour le dernier jour de l’expo. Maféda/ Gwénaële vous attend donc le 31 octobre prochain de 18h à 20h, juste avant le démontage de l’installation, pour vous embarquer dans ses couleurs positives.
RR
Le Journal de Mayotte
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