Ce qui pourrait être un euphémisme, l’action sociale étant une prérogative du CG, devient une grande nouvelle : les élus du CG reprennent la main sur la problématique des enfants en errance dans un hémicycle plein, lors d’une table ronde organisée dans le cadre de la Semaine de l’action sociale.
Le Vice président et le DGA du social sont main dans la main pour expliquer que sans légitimité législative et démuni de moyens financiers, le département ne pouvait exercer sa priorité de l’action sociale. « D’autant plus que ce n’est une obligatoire pour le département que nous sommes que depuis le 1er avril 2011, date de la départementalisation ».
Depuis, le Conseil général traine des pieds pour plusieurs raisons. « Nous ne pouvons pas appliquer les lois métropolitaines ici qui nous imposent de construire un foyer de 80 places : il serait plein dès le lendemain d’enfants qui y resteraient ad vitam aeternam », explique Cristel Théron, directrice de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE).
A cette politique de l’Etat, elle oppose une politique « du Conseil général », « avec une politique familiale propre au territoire. D’ailleurs, en métropole on fait machine arrière en construisant de petites unités de vie plutôt que des gros foyers ».
En effet, tous les intervenants reconnaissaient la particularité du territoire avec peu d’enfants qui n’ont aucun référent sur le territoire, « difficile alors de s’approprier des outils pour placer des enfants quand une famille est présente », un sujet qu’affectionne Ali Mohamed El Amine, DGA en charge de la Solidarité et du développement social. Il ne craint pourtant pas cette fois de dire que “l’errance est une bombe qui va nous éclater dans la main”.
Le quartier entouré de frontières
Il gardait la parole pour souligner que le déséquilibre permanent du budget du Conseil général ne permettait auparavant pas de mettre en place « un dispositif qui n’aurait pas été financé donc pas rendu pérenne ».
Pour répondre au vide qui prévalait en matière d’accompagnement des mineurs, et pace que comme le rappelait Jacques-Martial Henry, « Mayotte était en spécificité législative », l’Etat, par le biais d’associations comme Tama, avait investi le champ, ce qui a permis une prise en charge et la mise en place de structure éducatives pour les mineurs.
D’autres associations travaillent dans ce secteur, plusieurs n’étaient pas conviées à la table ronde qui se tenait ce mardi dans l’hémicycle, certaines comme la Croix rouge ou Msayidie-Apprentis d’Auteuil ont pu parler de leurs actions : de ces jeunes qui “sont d’abord en errance dans leur tête”, se font une frontière de leurs quartiers, « induisant des rivalités entre villages », de l’éclatement de la cellule familiale vecteur de déscolarisation, donc de perte de lien social et d’errance.
Un label Made by CG
Leurs éducateurs sociaux assurent un maillage sur le terrain, et ce sont eux qui remontent à l’ASE les informations préoccupantes. « Sur les 183 jeunes suivis en 2013, 30% sont étrangers et isolés », commente Christophe Georgopoulos, Msayidie. L’objectif étant un rapprochement de la cellule familiale avec un accompagnement de l’enfant et des parents.
Désormais avec l’identité législative, une reprise en main du Conseil général risque de bouleverser la donne, « nous devons vérifier la conformité de ces structures et les habiliter »…
Jacques-Martial Henry ne faisait pas que répéter devant une salle pleine de représentants des éducateurs spécialisés, de familles d’accueil, du CHM et des associations, ce qu’il avait dit quelques mois auparavant devant les médias.
Il reprécisait le sens à donner à la présence de ces enfants, allant volontairement à l’encontre de la ligne de conduite de plusieurs associations œuvrant sur le territoire, en expliquant que « les parents sont les seuls fautifs de s’être mis dans cette situation d’expulsables », et revenant sur une situation anjouanaise où 90% des terres appartiennent à 10% des familles, les autres faisant travailler leurs enfants pour survivre. Des enfants, « qui ne vont pas à l’école coranique », qui ne s’instruiraient donc pas.
Une loi sans transfert de moyens
Une loi de Protection de l’Enfance en danger « attaquable », selon le vice président, « elle n’a pas l’objet d’une étude d’impact, donc de transferts de moyens vers le Conseil général ».
La question des moyens avait en fait été mise sur la table par le responsable de l’Unité d’Action sociale du Sud qui réclamait la mise en place d’un accueil d’urgence pour les mineurs, et poursuivie par une assistante familiale qui réclamait un accompagnement : « on appelle à l’aide sans réponse, nous n’avons pas de voiture dans les cas d’urgence et aucun lien n’est fait avec les éducateurs ».
Autre préoccupation pratique remontée par l’UTAS de Petite Terre : « comment s’occuper d’un enfant dont on n’a pas accès puisqu’il est dehors la nuit quand nous avons fini de travailler ? »…
Des « dysfonctionnements » appelés comme tel et reconnus par Mohamed El Amine qui a demandé à sa directrice une restructuration de l’ASE, et qui annonce un diagnostic en cours pour un possible hébergement de 65 places d’ici 2020.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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