Si la place de la femme dans l’islam est un point de divergence avec la pensée occidentale, elle est souvent l’objet de généralisations faciles. Un sujet qui faisait l’objet d’une intervention lors de la journée sur l’égalité filles-garçons, et qui prouve que la femme a des armes pour se défendre alors que ce mardi est consacrée aux violences faites aux femmes.
L’illustration produite par Fabien Tesan est éloquente : la bimbo métropolitaine qui regarde la femme voilée comme « typique d’une société dominée par l’homme », alors que ladite voilée contemplant le corps vêtu d’un seul bikini, mais lunettes de soleil à poste la plaint d’appartenir à une société également machiste…
Le professeur d’arabe au CUFR s’exprimait jeudi dernier sur le sujet de la femme dans l’islam dans le cadre de la Journée proposée par le vice-rectorat et la Déléguée de droits des femmes. Il avait choisi d’aborder les contraintes de la religion pour la femme, mais aussi ses droits et les évolutions en cours, essentiellement apportées par les femmes elles-mêmes.
Interprétation autour du voile
Et, le regard occidental va se porter sur le voile, qui cristallise les tensions : « du niqab à la burka en passant par le tchador d’Iran, ils couvrent plus ou moins le visage ». Si la réalité du voile s’appuie sur le Coran, sa lecture est sujette à caution pour l’enseignant : « lorsqu’on lit ‘dis à tes épouses de ramener sur elles leur grand voile’, il s’agissait surtout de cacher leur poitrine qu’elles exhibaient pour galvaniser les soldats avant une bataille ».
En matière d’interprétation, Frabrice Tesan rappelait que jusqu’au 16ème siècle, le visage du prophète était représenté, du moins chez les chiites. Les représentations non figurées sont la simple conséquence de la réprobation de l’idolâtrie.
En l’absence d’âge légal de mariage dans certains pays comme le Yémen, des fillettes de 8 ans sont mariées, dénonçait récemment l’ONG Human Rights Watch, « un mariage avait été déclaré consommé l’année dernière dans ce pays, la jeune fille avait 9 ans.»
Plusieurs pays musulmans interdisent la polygamie, dont la Tunisie depuis 1956, « soit après le protectorat français. On ne peut donc pas absolument lier la fin de la polygamie à Mayotte aux exigences de l’Etat français », en déduit Fabrice Tesan.
L’islam est également porteur de droits pour la femme, politique et économique, notamment par la séparation des biens lors du mariage.
Une autre lecture des textes
En tout cas, l’évolution semble en marche et passe par les femmes : « une très jeune fille de 10 ans a obtenu du tribunal, au Yémen toujours, l’annulation de son mariage ». Une sportive Saoudienne a participé au Jeux Olympiques, « non pour gagner, mais pour revendiquer son droit de participer », la demande d’équité entre les épouses est évoquée pour casser la polygamie, et au Maroc, une femme a intégré les oulémas (assemblées de sages) « pour demander une autre lecture des textes ».
A l’inverse, d’autres mouvements inquiétants se font jour parmi les immigrés de la 3ème génération, « ils deviennent plus rigoristes pour s’opposer à des pratiques dans lesquelles ils ne se reconnaissent pas », et qu’ils ne connaissent pas. On les appelle les « muslim reborn ».
En résumé, « il n’y a pas une femme mais Des femmes dans Des sociétés musulmanes, et ce n’est pas parce que l’une d’entre elle dit ou fait quelque chose qu’il faut en déduire ‘c’est parce qu’elle est musulmane’ ».
Parmi l’assistance, essentiellement des métropolitains, on compare le poids de la société sur les femmes mahoraises célibataires notamment, au regard porté sur les divorcées dans les années 50 en métropole, alors qu’une jeune femme mahoraise réclamait la confiance, « laissez les femmes ici orienter l’islam vers davantage d’égalité entre les sexes ».
Le danger de la « culture hors-sol »
Mayotte est un cas à part, avec sa matrilinéarité (filiation définie dans la lignée maternelle) et sa matrilocalité (maison léguée à la femme), qui laissent la place centrale à la femme dans une culture musulmane habituellement centrée sur l’homme.
Mais Fabrice Tesan élargissait en mettant en garde : « nous vivons un phénomène d’acculturation à Mayotte, avec une séparation culture-religion. Or, une religion sans culture devient ‘hors sol’, et produit des décapiteurs qui se sont formés tout seul sur YouTube. Le risque d’une remise en cause de la célébration de la Maoulida (naissance du prophète) à Mayotte est de laisser la population aller vers les extrêmes face à ce qu’on prend comme une menace ».
Et c’est l’éducation qui aura le dernier mot : « nous connaissons le Coran par cœur, sans en connaître la traduction » remarquait une maman mahoraise, « il suffit qu’un Pakistanais arrive pour nous donner des indications, pour qu’on le suive. Il faut former et éduquer pour qu’on écoute pas le dernier arrivé, qu’il soit mzoungou (métropolitain) ou saoudien, qui annoncerait sa culture comme étant la meilleure ».
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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