«Exportation de viande bovine vers Mayotte en vue»… l’ensemble de la presse malgache est enthousiaste, là où les mahorais jouent les chats échaudés. C’est toujours une histoire de normes à la fois française et européenne, qui bloque dans la région… avec une première éclaircie européenne en vue.
Importer de la viande depuis l’île voisine plutôt que du Brésil et de l’Uruguay comme c’est actuellement le cas: les intentions n’ont jamais manqué, et certaines ont été formulées il y a plus de dix ans…
Malgré la défiance, on a envie d’y croire. Une délégation d’élus du Conseil général de Mayotte, menés par le conseiller Ali Moussa, le Directeur des services Jean-Pierre Salinières et ses collaborateurs en charge de ce dossier, et accompagné par l’ancien directeur de la Chambre de l’Agriculture et de la Pêche (CAPAM) Jacques Domalain, a été reçue ce mardi par Riana Rasamimanantsoa, le secrétaire général du groupe SMTP, leader dans l’agriculture malgache.
Il s’agissait d’un séminaire sur l’exportation de viande malgache organisé par Mayotte, qui a versé 30.000 euros. Etaient également présents des conseillers du président et du 1er ministre malgache, le directeur des services vétérinaires de l’Institut Pasteur et l’Office international des épizooties (OIE).
De la viande à moins de 24 heures
Car c’est prés de 20 millions de dollars que le groupe compte investir dans sa filière Bovima (Bonne viande de Madagascar) pour réaliser son projet d’exportation de viande dans le monde entier.
Il comprendrait un abattoir aux normes internationales, installé à Fort Dauphin, et une société d’achat et d’engraissement de zébus et de chèvres. 2.800 tonnes de viande bovine et caprine sont prévues d’être exportées vers Mayotte dès janvier 2016, et 5.000 tonnes d’ici 5 ans.
La consommation annuelle de Mayotte a été estimée à 4.000 tonnes de viande et notre île n’en produit que 10%. Lors des manifestations contre la vie chère en 2011, les coûts d’importation depuis l’Amérique du sud avaient été mis en avant, et les chéquiers s’étaient tournés vers la région, dont Madagascar à moins de 24 heures de notre territoire.
Mais l’accès de Mayotte au statut de région européenne (RUP) a ajouté l’exigence de normes UE à l’obligation de traçabilité imposée par la France. Eloignant de fait le marché malgache dans l’impossibilité de fournir ce niveau de prestations. Sans être certain d’un autre côté, que lesdits contrôles soient bien effectués sur la viande sud-américaine… Surtout que la chaîne du froid à l’arrivée à Mayotte est loin d’être garantie.
Le zébu doit avoir ses papiers
Pour être « traçable », le zébu doit arriver à l’abattoir avec sa carte verte qui l’a suivi depuis sa naissance, certifie de son bon état sanitaire, et ne l’exonère pas d’une ultime inspection avant et après abattage.
Or, si les maladies ont pratiquement disparu, l’administration malgache du fait des atermoiements politiques, est dans l’incapacité d’en fournir les preuves. Et ça, l’Europe n’aime pas.
« C’est pourquoi nous avons pensé le problème en terme de fonds européens de coopération régionale. Nous aiderions les autorités sanitaires malgaches à se mettre au norme, pour pouvoir importer une viande moins chère », nous expliquait Jean-Pierre Salinières joint au téléphone. Si cela va dans le droit fil de la coopération « gagnant-gagnant » européenne, le délai d’obtention des agréments reste très long du côté de Bruxelles, « trois ans environ ».
Or, la production pourrait démarrer dès début 2016, pour un prix de vente annoncé à 5 ou 6 euros le kilo, soit au même prix que les bas morceaux actuellement importés. « Pour accélérer, nous comptons demander une dérogation visant à considérer Mayotte comme un territoire non européen ce qui permettrait d’obtenir des autorisations beaucoup plus rapidement ». Des dérogations qui sont fournies notamment par l’Office international des épizooties, qui était sur place, tout comme l’Union européenne par le biais d’une délégation de l’ambassade.
« Ce ne sont que des première pistes de travail », indique Jean-Pierre Salinières qui voit malgré tout dans ce projet de SMTP porté par la banque mondiale, le début d’un travail sérieux.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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