Cinéma Musafiri propose la projection du film «Il était une forêt», ce soir à Coconi. A cette occasion, le JDM a demandé aux spécialistes du Conservatoire botanique de Mascarin (CBNM) les enjeux à venir pour les forêts à Mayotte. On a le droit de ne pas totalement pessimiste !
Le black-out électrique qui a plongé Mayotte dans le noir a eu une vertu : révéler l’ampleur des brûlis qui subissent les sols et les forêts de Mayotte. Ce mercredi soir, alors que le village de Passamainty était dans l’obscurité, sur les hauteurs, les feux illuminaient les sommets des collines. «Le brûlis fait partie de la tradition mahoraise, explique Guillaume Viscardi, du CBNM. Sauf qu’on a oublié qu’il s’agissait de cultures qui tournaient rapidement sur plusieurs parcelles. Et cette technique qui fonctionnait lorsqu’on avait 20 habitants au km² n’est plus supportable avec la densité de population actuelle.» Ces brûlis semblent prendre toujours plus d’ampleur, particulièrement au début de la saison des pluies, au moment où les plantations de bananiers et de manioc se multiplient.
Erosion rapide des sols, perte du couvert végétal, recul rapide des espaces forestiers, la situation de la forêt à Mayotte n’est malheureusement pas très bonne, sans que l’on dispose pour autant de données très précises. Il semble tout de même clair qu’actuellement, seules les réserves forestières permettent de préserver la forêt mahoraise, même si elles sont de plus en plus «mitées».
Heureusement, la connaissance de nos forêts pourrait s’améliorer dans les mois qui viennent. D’abord, l’ONF a lancé un recensement des forêts appartenant au conseil général. A l’image des forêts domaniales (Dapani, Voundzé sur le mont Bénéra et au Mont Combani), elles pourraient ainsi bénéficier de plans de gestion.
Programme «Habitat»
Ensuite, un inventaire d’un nouveau genre va rapidement démarrer avec le «programme Habitat ». «Nous allons réaliser un inventaire sur des zones homogènes, explique Valérie Guyot, botaniste au CBNM. Dans des zones précises, en fonction de l’altitude, de la pente, des sols ou du climat, nous voulons connaître les espèces qui forment un ensemble, et donc finalement, comment fonctionne véritablement la forêt».
La Réunion a de belles longueurs d’avance sur Mayotte pour la réalisation de ce type de travail. Et les résultats sont impressionnants. «En travaillant sur les reliques d’espaces forestiers, ils ont réussi à déterminer sur des zones où il n’y avait plus aucune espèce indigène, quelle était la forêt qui s’y élevait avant qu’elle ne soit complètement détruite», précise Guillaume Viscardi.
Restauration écologique
L’aboutissement de ce travail, c’est évidemment la restauration écologique de zones très abîmées. «En connaissant l’évolution de la forêt, on peut savoir qu’elles sont les espèces pionnières, à replanter en premier, puis celles viennent dans un deuxième temps et pour finir les espèces qui complètent la forêt naturelle.»
Une fois connu le fonctionnement de nos forêts, on pourrait ainsi imaginer des restaurations efficaces et durables, sur des padzas par exemple, ces zones où la terre rouge est totalement à nue. Mais attention, cette restauration coûte très cher et les botanistes rappellent, comme une évidence, que le premier enjeu est d’arrêter la destruction en cours du milieu naturel.
«Nous avons encore de très belles forêts à Mayotte. Bien sûr, il n’en reste pas beaucoup mais le peu que nous avons est très riche. Et on est certain qu’il reste encore des espèces à découvrir.»
RR
Le Journal de Mayotte
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