Alors que les ailes de poulets pourraient sortir de la liste «Bouclier qualité prix», le JDM a demandé à 2 diététiciennes pourquoi les mabawas deviennent un problème de santé publique à Mayotte. Des infos précises pour savoir ce qu’on mange… en attendant un grand plan nutrition pour 2015.
L’image est très marquante : un mabawa = une cuillère à soupe d’huile. Stéphanie Durette diététicienne nutritionniste libérale et salariée du réseau Rédyab a travaillé sur des équivalences, pour nous faire comprendre très simplement ce que nous avalons quotidiennement. «Un mabawa représente 10 grammes de lipide. Pour avoir un apport en protéine suffisant par repas, soit 20 grammes, il faut 3 mabawas, à condition de manger le mabawa entier, ce qu’on appelle le pistolet. Cela représente donc 3 cuillères à soupe d’huile !»
«Le rapport entre les protéines et les matières grasses est très défavorable dans le mabawa», relève karine Assoumani Saignié, également diététicienne nutritionniste à Mayotte. Les protéines sont essentielles dans notre alimentation. On les trouve dans la viande, le poisson ou les œufs. Le poulet en est donc largement pourvu et c’est également un aliment qui est recommandé aux personnes qui font attention à leur alimentation car c’est une viande pauvre en matière grasse… à condition de ne pas manger la peau. Et dans le mabawa, si on enlève la peau, il n’y a plus grand-chose à manger ! Sans parler des méthodes de cuisson où parfois la friture ajoute encore du gras au gras.
Des graisses saturées
Et ces graisses sont particulièrement mauvaises pour notre corps. «Pour faire simple, dans la peau du poulet, on trouve surtout des graisses saturées qui ont tendance à boucher les artères», explique Karine Assoumani Saignié.
Les diététiciennes rappellent qu’on retrouve ce type de plats beaucoup trop riches en graisse dans toutes les cultures. «Quand les mzungus mangent deux saucisses de Montbéliard ou 2 chipolatas, on est aussi à 25 grammes de lipide.» L’important est donc de se faire plaisir de temps mais de ne pas en faire une consommation quotidienne : «l’équilibre nutritionnel se fait sur une semaine», rappelle Stéphanie Durette.
Pas tous égaux face à la malbouffe
Nous ne sommes pas tous concernés de la même façon par cette malbouffe. «L’étude du sociologue David Guyot sur les habitudes alimentaires à Mayotte a bien montré que les plus exposés sont les familles avec un seul revenu. A ce moment-là, on a accès aux chips, aux sodas tout en conservant les mabawas et sans avoir accès à une information nutritionnelle», explique Stéphanie Durette.
Parmi les catégories plutôt aisées, on trouve les personnes qui viennent en consultation chez les diététiciennes. Elles ont conscience d’un déséquilibre dans leur alimentation sans pour autant parvenir à changer leurs habitudes. «Pour ces personnes, les mabawas représentent souvent le repas du soir. Dans la famille, on mange alors 4 ou 5 mabawas par personne», détaille Karine Assoumani Saignié. «Théoriquement, le soir, il faut pourtant manger un repas plus léger parce qu’ensuite on va dormir et on n’est donc plus actif. Le repas du soir va être stockés plus facilement par l’organisme.» Manger des mabawas le soir, c’est donc un phénomène aggravant pour notre bonne santé !
Un Plan nutrition pour 2015
Si le bouclier qualité prix veut nous orienter vers des comportements plus sains, l’Agence régionale de Santé est également en train de finaliser un énorme programme qui va se déployer sur Mayotte l’an prochain. Le PRANS, plan régional d’activité nutrition santé, va mobiliser la DAAF, l’IREPS, la DJSCS et le réseau rédiab. Déjà en place en métropole, il vise à travailler sur l’amélioration de l’offre alimentaire, la prévention dès le plus jeune âge, l’activité physique et la prise en charge des pathologies liées à l’alimentation.
La mobilisation pour que nous mangions mieux n’en est donc qu’à son début. Et pour revenir au poulet, «il faut préférer la cuisse où on trouve plus de viande et moins de peau», remarque Karine Assoumani Saignié. “Il n’y a pas d’aliments interdits. Il faut en privilégier certains et en limiter d’autres”, conclut Stéphénie Durette.
RR
Le Journal de Mayotte
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