A Mayotte, on aime les grèves. Alors que la DIECCTE s’emploie à professionnaliser le dialogue social en organisant des formations, l’année 2014 a encore été marquée par des mouvements sociaux dans de très nombreux secteurs. Retour sur quelques conflits de l’année.
C’est une «grève» assez incroyable qui ouvre l’année 2014. Victorin Lurel, encore ministre des Outre-mer, engage un bras de fer avec les compagnies pétrolières. Il veut une traduction concrète à un de ses combats politiques : la lutte contre la vie chère dans les territoires ultramarins. La «concertation» est tendue jusqu’à la publication d’un décret qui encadre les marges des pétroliers. En guise de protestation, l’Outre-mer connaît des fermetures de stations-service et à Mayotte, c’est la société Total qui décide unilatéralement de ne plus ouvrir ses stations. Finalement, le décret entre en application et nous en voyons les effets chaque mois avec la régulation des prix des carburants.
Egalité et indexation dans le fonction publique
L’année sociale 2014 à Mayotte a d’abord été marquée par les soubresauts de la fonction publique. Avant les municipales, les fonctionnaires des collectivités comprennent que la période est idéale pour obtenir l’indexation de leur salaire. A la mairie de Kani-Kéli par exemple, le mouvement débute le 10 février mais c’est à Tsingoni qu’il sera le plus spectaculaire. A 2 semaines du scrutin municipal, la grève s’invite dans la campagne et pèse, sans nul doute sur l’issue du vote. Le maire sortant, qui sera battu, renvoie la décision après les municipales.
L’Education nationale connaît les mouvements les plus nombreux. Rivo et le SNUipp, toujours en première ligne, mobilisent d’abord contre “les inégalités de traitement”.
Congés bonifiés ou montants des allocations familiales, ils dénoncent les écarts de droits entre les différentes catégories de personnels. Après la rentrée de septembre, ce sont les rythmes scolaires, à Mayotte comme dans de nombreux territoires, qui font réagir les enseignants mais aussi les parents d’élèves. Les blocages d’écoles se multiplient avant un aménagement de la réforme pour certains établissements de Mayotte toujours sous le régime des rotations.
Santé et professions réglementées
Tout au long de l’année, peu de secteurs vont échapper aux débrayages. Ce sont parfois des mouvements en lien avec des réformes gouvernementales ou portés par des revendications spécifiques à Mayotte. Ainsi, dans le secteur de la santé, le manque d’attractivité de notre département suscite encore la colère des praticiens hospitaliers (médecins, chirurgiens, dentistes, pharmaciens…) comme au mois de juin. Ils obtiennent finalement la mise en place d’une indemnité particulière d’exercice.
Les sages-femmes, elles, achèvent un des mouvements parmi les plus longs de ces dernières années. Après des mois d’une mobilisation qui finit par faire parler, le ministère de la santé leur accorde certaines améliorations de leur conditions de travail et une évolution de leur statut.
Le gouvernement veut toucher aux professions réglementées ? A Mayotte aussi, les professionnels concernés réagissent. Les pharmaciens libéraux ferment les officines fin septembre pour conserver le monopole sur la vente des médicaments. Débrayage aussi chez les huissiers qui pourraient perdre certaines de leurs prérogatives où chez les avocats. A deux reprises, les robes noires se rassemblent au tribunal de Mamoudzou, pour s’opposer à la réforme du financement de l’aide juridictionnelle en juin puis contre le projet de loi Macron en fin d’année.
Agitation dans les supermarchés
Les groupes de distributions vont également vivre leurs journées de grèves. A Jumbo, une main baladeuse déclenche un mouvement de soutien… au salarié mis en cause fin janvier, alors que le geste débouche sur une condamnation pénale. A la Sodifram, c’est le temps de travail du représentant syndical qui va perturber l’année. Lors d’un premier mouvement en juin où la justice est appelée à se prononcer sur les blocages des dépôts, les non-grévistes organisent leur propre manifestation pour dire leur mécontentement face au blocage du groupe. En septembre, c’est le licenciement de 5 représentants du personnel qui provoque une nouvelle crise.
Le port, la Poste, la presse
Au port de Longoni, qui a quitté le giron de la CCI (chambre de commerce) pour une gestion privée (Mayotte Channel Gateway, une société dirigée par Ida Nel), le personnel est inquiet pour son statut au mois d’avril. A la Somapresse, c’est la rentrée de septembre des titres du groupe (Mayotte Hebdo, Flash Infos) qui est perturbée. Une grande partie de la rédaction débraye pour protester contre la baisse des salaires demandée par la direction. Finalement, après une vague de licenciements, l’essentiel des journalistes quitte l’entreprise en novembre.
Le secteur de la banque, après la fusion annoncée entre la Banque de La Réunion avec les Caisses d’épargne ou encore La Poste connaissent aussi quelques perturbations.
Sueurs froides à l’aéroport
C’est finalement à l’aéroport qu’une des dernières grèves de l’année donnera des sueurs froides aux voyageurs. Le mouvement qui éclate au moment des grands départs de décembre fait craindre de fortes perturbations. Les réquisitions des personnels de la sûreté minimisent l’impact du mouvement qui trouve une issue au bout d’une semaine.
Au regard de ces mouvements très divers, il apparaît que Mayotte s’inscrit de plus en plus dans les revendications sociales portées à l’échelle nationale. Si les problématiques locales sont encore présentes, la volonté d’égalité de traitement des Mahorais par rapport à la métropole ou aux autres DOM est devenue une réalité sociale tout au long de l’année.
RR
Le Journal de Mayotte
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