Le contexte est morose pour les chambres consulaires. Pas seulement à Mayotte, et pas forcément en lien avec la conjoncture économique.
Omar Djoundiy, président de la CMA (Chambre des Métiers et de l’Artisanat) et de l’ARCMA océan Indien (Assemblée des CMA d’Antananarivo, de Tuléar, d’Antsirabe et de Mayotte), a expliqué la raison de son inquiétude lors de la présentation de ses vœux : « depuis 2014, la mise en œuvre de la fiscalité de droit commun fait supporter aux artisans le financement de la CMA qui était assuré jusqu’à présent par le Conseil général ».
Une coupe franche de 23% de ses ressources. Le nombre d’artisans inscrits au Répertoire des métiers, et leur santé financière deviennent donc la double préoccupation d’une Chambre qui doit les accompagner.
Ce passage à vide fait écho à la santé précaire de la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI) soumise aux luttes intestines, et en conséquence, sous tutelle préfectorale. Voilà qui pourrait donner des idées à un Etat enclin à faire des économies d’échelle en fusionnant deux, voire trois chambres avec l’agriculture, surtout qu’une étude menée, reprise par le site relations-publiques.pro, indique que 30% des entrepreneurs jugent les CCI/CMA inutiles ou ne savent pas ce que c’est…
Outre les efforts faits pour contenir le budget, Omar Djoundiy a mis en garde contre une fusion qui pourrait « vider notre établissement consulaire de toute sa substance », et aboutir à un échec, « dans ce domaine, une volonté commune est nécessaire, elle ne se décrète pas ! ».
Pour poursuivre les actions mises en place dans l’année, listées lors de cette cérémonie, la CMA en appelle donc à l’Etat et au Conseil général, en appelant de ses vœux « une programmation pluriannuelle pour une meilleure visibilité ».
Jean-Denis Larroze, le secrétaire général de la Chambre, enfonçait le clou en indiquant que seules 15 entreprises s’étaient inscrites cette année, faisant peser sur les 2 860 artisans de l’île, en grande majorité dans les secteurs du bâtiment et des services, un financement lourd, alors qu’ils ont désormais à s’acquitter des frais de greffe pour toute inscription ou modification de statut.
6 entreprises aptes à la garantie décennale
Pour un artisan, l’avantage d’adhérer à une Chambre des Métiers, c’est l’accompagnement pour les démarches administratives (obtention d’une licence de taxi, tenue de comptabilité, formation…), la participation au Forum des Métiers et de l’artisanat (du 25 au 31 mai cette année), à la Semaine de l’Artisanat qui ciblait les jeunes l’année dernière (se tiendra du 13 au 20 mars 2015), au marché du 2e samedi de chaque mois.
Les acteurs de la CMA ont également participé à la Foire internationale de Madagascar, à plusieurs manifestations locales et ont accompagné les “taxis aéroport” dans leur organisation. Un secteur qui n’est toujours pas assaini puisque selon Salama Toto, 650 licences de taxis sont encore en cours, « mais tous ne sont pas sur les routes ».
Outre les problèmes de trésorerie de ses membres, la difficulté de la structure à Mayotte c’est le défaut de formation initiale et continue de ses membres qui se traduit par des difficultés à monter les dossiers, « aucun n’a abouti pour l’obtention du fonds de garantie SIAGI, nous allons travailler sur l’élaboration de bilans ».
Des visas en 5 jours !
Ce retard explique la lenteur de l’obtention de la garantie décennale, « seules 6 entreprises sont éligibles ». Un label intermédiaire avait alors été pensé pour Mayotte afin d’assurer une transition pour ceux qui ne sont pas à jour de leurs cotisations sociales, « 77 d’entre eux sont sur cette voie », alors que 12 artisans sont en difficulté, « avec un gros travail de fond à mettre en œuvre ». Et encore, ça n’est que la partie émergée de l’iceberg qui cache 420 dossiers n’ayant pas abouti.
Le tour de force de l’équipe dirigeante aura été de réussir à mettre en place un système d’obtention rapide de visas pour échanger avec Madagascar, « en 5 jours ! ».
Le travail avec les taxis aura abouti à la délivrance pour deux ans d’un label « taxi touristique », « qui couvre aussi bien la prestation, le comportement du conducteur et l’état du véhicule », un travail de Titan.
Avec la création de l’Ecole des Métiers en janvier 2014 et la 1ère promotion de CAP boucher (la 2e session vient d’ouvrir), la livraison de la Pépinières d’entreprises pour le 2e semestre 2015, l’audit d’un centre de formation et d’un internat à Tananarive, la signature d’une convention avec Ewa pour le déplacement des artisans, la CMA de Mayotte veut répondre à la directive de Gustave Le Bon, sociologue français, cité par Omar Djoundiy en préambule de ses vœux, « les volontés faibles se traduisent par des discours, les volontés fortes par des actes ».
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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