Comme c’est le cas chaque trimestre depuis plusieurs années, le préfet reçoit dans sa « case » Rocher, les 17 maires de Mayotte en compagnie de leurs cadres, et en présence de ses services. Des débats d’autant plus intenses que les changements s’accélèrent.
Ce jeudi 22 janvier, la journée était donc faite d’échanges sur les évolutions qu’implique toujours le changement statutaire de Mayotte et sur les textes proposés par le Parlement : fiscalité locale, intercommunalité, politique de la ville, ANRU, emplois aidés etc. « On a appréhendé ce que l’État attend de nous d’un côté, et nous avons pu avoir des précisions sur des dispositifs que nous ne maitrisons pas encore », commentaient les représentants des communes de Tsingoni, Chiconi et Mtsamboro.
Et comme toujours, le débat s’oriente vite sur les finances et la fiscalité : « nous voulions savoir si l’intégralité des ressources ont été versée par l’État en 2014, puisque cette somme sert de base au calcul de nos recettes en 2015 ». Les communes n’ont en effet pas perçu directement le produit d’un impôt qui n’était pas encore mis en place : l’État leur a versé une garantie peu ou prou identique à ce qu’elles percevaient, et recouvre l’impôt ensuite.
Hanima Ibrahima (alias Roukia Lahadji) et Anchya Bamana, les deux seules femmes maires à Mayotte, sont d’accord : « c’est une journée indispensable pour développer des relations de travail avec les services de l’État et aider les communes qui sont en déficit de compétences ».
Les habitants découvrent les impôts fonciers
Des relations qui ne sont pas au beau fixe sur quelques points, « et les rythmes scolaires en sont un ! », s’exclame Anchya Bamana, la maire UMP de Sada. « L’État a mis la charrue avant les bœufs », reprenant l’expression de Jacques Chirac s’adressant aux pro-départementalistes à Mayotte en 1986, mais cette fois pour freiner les ardeurs de l’État lui-même : « il faut un plan Marshall de construction et de compétences avant d’appliquer cette réforme ».
L’évolution de la politique de la ville n’est pas source d’incompréhension pour la maire de Sada, « nous sommes tenus régulièrement informés par un calendrier, et un diagnostic territorial doit être mis en place », alors que l’intercommunalité « imposée par la loi », est également lancée, « nous allons entamer des négociations avec Ouangani, Chiconi et Mtsangamouji, mais avec une condition, celle d’une intercommunalité compétente. Le préfet nous a assuré la mise en place prochaine de formations et d’accompagnement par les services de l’État ».
Quant à la fiscalité locale, elle passe difficilement, « même avec de faibles taux à Sada, les habitants ont du mal à comprendre. »
Mensualisation des versements
L’accompagnement de la montée en compétence des communes est confirmé par le préfet Seymour Morsy qui est dans son élément, tant que chacun respecte sa règle, « ne pas venir en demandant une enveloppe, mais avec des projets .»
Le dossier des constructions scolaires avance, « toutes les communes ont publié l’appel d’offres et doivent délibérer pour une sortie de terre en juillet, mais doivent aussi se partager l’actif et le passif du SMIAM (Syndicat mixte chargé des constructions scolaires). »
Mais il est une des propositions qui fait débat dans les petits cercles, la contractualisation du budget pour aboutir, entre autres, à la mensualisation des versements aux syndicats communaux et aux intercommunalités en général.
Des habitudes à changer
Le maire de Bouéni, Mouslim Abdourahaman, n’adhère pas : « une bonne idée en théorie, mais qui se heurte aux réalités d’une dotation versée par l’État qui nous permet tout juste de payer la masse salariale, les factures d’eau et d’électricité. Nous devons avant tout connaître le montant des recettes de l’octroi de mer avant de nous prononcer .»
Tous calculs faits, il chiffre à 50 000 euros par mois sa contribution à des syndicats intercommunaux qui sont les outils des communes, comme le Sieam (syndicat des eaux et assainissement dont il est un des cadres supérieurs), le SDIS (pompiers), SIDEVAM (Déchets) et le SMIAM « auquel nous participons toujours », précise le maire et d’ajouter ne pas être « sûr d’avoir assez de trésorerie ! »
Un problème pris à l’envers puisqu’il faut partir du budget existant, et en déduire le champ des possibles. Ce que fait Dembéni, “nous sommes mensualisés”, indique le maire. La préfecture ne désespère pas, et annonce qu’en 2015 sera signé avec les collectivités, une charte de bonne gestion initiée par l’association des maires. L’utilisation des moyens financiers et humains sera une priorité.
Toutes les communes étaient représentées, par leurs élus ou leurs cadres, un rendez-vous à ne pas manquer.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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