C’était la semaine dernière les premiers vœux du président du Sieam, Mouhamadi Moussa, dit « Bavi ». Il devait rassurer sur la continuité des investissements engagés, et fixer les priorités d’un secteur énergivore en fonds européens… et qui peine toujours à sensibiliser les habitants de l’île.
Après un hommage rapide à son prédécesseur Maoulida Soula, décédé au cours de l’année dernière, le nouveau président du Sieam (Syndicat intercommunal d’eau et d’assainissement de Mayotte) est allé immédiatement au but devant son parterre d’invités : au bout de 8 mois de mandat, peu de chantiers ont été impulsés, « je sais que certains d’entre vous ont pu trouver le temps long », glissera-t-il, ce qu’il explique par la volonté de « ne pas prendre des décisions hâtives qui auraient pu s’avérer inadaptées. »
A la tête d’un syndicat en charge du raccordement de la population à l’eau potable et à la mise en place de l’assainissement, Mouhamadi Moussa se devait d’en donner les orientations.
En matière de réseau d’eau potable, un schéma directeur devrait être déjà sorti, mais sera arrêté d’ici fin février. Deux points sont avancés : la prospection visant à mettre à jour de nouveaux forages, « qui viendront se rajouter aux quatorze déjà en fonctionnement », et la construction de la fameuse 3e retenue collinaire, prévue de longue date à Ourovéni, « d’une capacité de 3 millions de mètres cubes ».
Car la démographie de l’île en constante augmentation, appelle de nouvelles structures, justement censées être financées par le Feder, un fond européen. Les risques de rupture d’approvisionnement étant forts, la construction d’une usine de dessalement est annoncée. Pour les mêmes raisons, « les installations de production en eau potable, aujourd’hui désuètes car sous-dimensionnées », impliquerait le doublement des usines de Bouyouni et d’Ouroveni.
Le nord et le centre de l’île assainis en priorité
L’approvisionnement agricole fait l’objet d’un travail commun avec la DAAF (Direction de l’agriculture) et la CAPAM (la Chambre d’agriculture).
Quant au volet assainissement, les objectifs sont donnés par la Directive eaux résiduaires urbaines, avec des échéances européennes obligatoires. Et c’est en collaboration avec les services de l’Etat que les zones prioritaires ont été fixées : l’assainissement de la Petite Terre, du Centre, de Mamoudzou Sud, de Koungou et de Tsingoni.
Si des stations d’épuration sont annoncées à Longoni, Bandrélé et Hagnoundrou, la préoccupation du raccordement demeure : une station ne vaut rien si personne n’y déverse ses eaux usées. Le président annonçait en conséquence d’importants travaux d’extension du réseau d’assainissement, « à Dembéni, Bandrélé, Tsingoni, Mamoudzou, Bandraboua ».
Un chantier titanesque au regard de la taille de l’île qui permettra de consommer des fonds européens bien maigres au regard des besoins, l’assainissement à lui seul pourrait consommer le double du Feder, avec des besoins chiffrés à 580 millions d’euros.
Les habitants peu sensibles à l’assainissement
Encore faut-il donner le premier coup de pelle. Pour ne pas manquer le départ du train, le Sieam a retenu un cabinet d’expertise qui lui permettra de mobiliser les ressources nécessaires.
Le syndicat connaît déjà les montants dont il pourra bénéficier : au titre du Feder européen, 25 millions d’euros pour l’assainissement et 14 millions d’euros pour l’eau potable. L’ONEMA (Office national de l’eau) octroie 26 millions d’euros sur la même durée que l’Europe, soit 2015-2020. Le Contrat de projet Etat-Région vient d’être finalisé, et nous avons pu nous en procurer les chiffres : la ligne eau potable est dotée de 22 millions d’euros et l’assainissement de 75 millions d’euros.
Le Sieam apporte quant à lui 20% du montant des projets eau potable en autofinancement, notamment en empruntant auprès de la Caisse des dépôts et consignations et de l’Agence française de développement. S’il est facile d’emprunter sur le domaine rentable de l’eau potable où la majorité des foyers sont raccordés, c’est la quête du Graal pour l’assainissement où le faible taux de raccordement ne permet pas au syndicat de rentabiliser ses investissements.
La population ne trouve en effet pas d’intérêt à payer un raccordement dont le bénéfice n’est pas directement visible a contrario de l’eau courante, de l’électricité ou du téléphone… Mais l’hygiène dans les villages et la qualité des eaux de baignade en dépendent.
Le Sieam n’a pourtant pas d’autres choix que d’accroitre son nombre d’abonnés. Un raccordement qui ne coûte « que » 300 euros, subventionné par des aides publiques de l’Etat et de l’ONEMA, au lieu des 3 000 euros
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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