29.9 C
Dzaoudzi
vendredi 22 novembre 2024
AccueiljusticeEscroquerie à la Sécu : le procès fleuve de deux infirmiers

Escroquerie à la Sécu : le procès fleuve de deux infirmiers

Ils avaient en 2014 fait « la une » de médias nationaux : deux infirmiers libéraux, un homme et une femme, accusés d’avoir escroqué la Sécurité sociale, étaient jugés ce mercredi au tribunal correctionnel de Mamoudzou. Une audience agitée…

Me Fatima Ousseni plaidait la nullité
Me Fatima Ousseni plaidait la nullité

On leur reproche des abus de 129 000 pour l’une et 180 000 euros pour l’autre. L’affaire avait été signalée en 2013 par la Caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM) qui avait jugé les montants reversés aux infirmiers exagérés, « des revenus 7 fois supérieurs à la moyenne ». L’enquête qui suivait le dépôt de plainte faisait ressortir quatre griefs : des falsifications d’ordonnances, une facturation majorée en heures de nuit indues, des frais de déplacement surestimés et le non-respect de cotation des actes.

Après avoir énoncé des faits, le juge Rieux qui présidait l’audience en collégialité, laissait la parole à Me Fatima Ousseni, avocate de la défense, qui plaidait la nullité pendant prés de 1h40…

Des « Usain Bolt » du soin

Ce fut une charge contre le ministère public essentiellement, que l’avocate accusait d’enquête à charge, d’absence de procès verbal joint à la convocation, de « déloyauté patente » pour avoir saisi la maison, le compte bancaire, la voiture de ses clients « alors qu’une trentaine d’autres infirmiers sont également en difficulté avec la CSSM » et pour avoir produit unilatéralement un référentiel aux actes infirmiers.

L’avocate invitait le président Rieux à tenir compte de ses demandes en créant un droit nouveau, « le principe de loyauté ». C’est le procureur lui-même qui répondra point par point, en remarquant que les aspects de procédure n’avaient pas été évoqués au long de cette plaidoirie, « qui m’a été transmise la veille au soir», et qui annonçait que deux autres infirmiers comparaîtront également dans quelques mois.

Quant au référentiel régional, c’est son large dépassement par les infirmiers qui a alerté la Sécurité sociale. Ce qui incitait Me Ousseni à tirer un parallèle hasardeux : « un peu comme Usain Bolt quand il a battu le record du monde de 100 mètres ! » « Ben Jonhson aussi, mais il était dopé ! », rétorquait le procureur.

C’est plutôt dans une course de fond que s’engageaient juges et avocats ce mercredi pour un procès qui dépassara finalement les 9 heures.

Quand le client revêt la robe de l’avocat

Joël Garrigue reprochait la multiplicité de manœuvres frauduleuses
Joël Garrigue reprochait la multiplicité de manœuvres frauduleuses

Une audience émaillée de divers incidents, avec une tentative avortée de prise parole de Me Ousseni, son aparté avec la greffière, et surtout, les échanges virils et hauts en décibels entre le procureur et l’un des infirmiers.

Les ordonnances dont les dates étaient raturées étaient alors en discussion : A.H. ne se l’explique pas puisqu’il en laisse la gestion au Centre d’Affaire, « et pourquoi l’aurais-je fait, ce sont des patients diabétique, que je soigne quotidiennement et qui me sont fidèles ! » Pour Joël Garrigue, il y a bien falsification puisque le médecin nie les avoir raturées , il élève la voix « sans changer la date, vous n’auriez pas été remboursé ! Il s’agit de l’argent public ». A.H. s’emporte : « votre enquête à charge n’a pu qu’effrayer le médecin. Tous ces actes médicaux ont été effectués. Je me lève à 4 heures du matin pour être sur le terrain, je ne reste pas assis derrière une feuille toute la journée moi ! »

Le silence retombe dans la salle d’audience, nous ne sommes à l’évidence pas en présence de Bonnie and Clyde.

Les autres chefs d’accusation sont tout aussi débattus. Telle que la majoration de nuit. La notion est floue : les patients diabétiques doivent pour la plupart recevoir deux injections quotidiennes, distantes de 12 heures. Ce qui implique d’en effectuer une en horaire de nuit, soit avant 8h du matin soit après 20h.

Émotion à la barreFeuille sécurité sociale

En 2012, la CSSM demande pour les cas non graves, de réduire cet intervalle, et de ne plus facturer en horaire de nuit. « Nous n’avons eu aucun texte sur ce sujet », assure A.H. qui invoque une mésentente entre le corps médical et la Sécurité sociale sur ce sujet. Le procureur et la partie civile feront savoir que l’information avait malgré tout été largement diffusée auprès des professionnels.

Le dépassement kilométrique, compté « par erreur » depuis un ancien logement ou la cotation d’actes facturés alors que le patient était à l’hôpital, ajoutés aux autres charges incitaient la partie civile à poursuivre, et Me Kamardine, avocat de la caisse, demandait la restitution des sommes dues à la CSSM.

Le procureur relevait le détournement d’argent public, la multiplicité de manœuvres frauduleuses « comme la facturation anormale de prises de tension » et demandait pour chacun 1 an de prison avec sursis, avec conservation des saisies des biens personnels à hauteur du préjudice de la Caisse.

Une audience particulière, où les enjeux étaient élevés, tant pour la valeur d’exemple d’une profession qui a déjà été condamnée pour abus dans le passé, que pour les deux infirmiers qui espèrent pouvoir continuer à exercer. A.H. finira d’ailleurs très ému, en pleurs à la barre, en expliquant ne pas être un voyou.

L’affaire est mise en délibéré le 18 mars.

Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte

Anne Perzohttps://lejournaldemayotte.yt
Anne PERZO Le journal de Mayotte https://lejournaldemayotte.yt

1 COMMENTAIRE

Comments are closed.

RESTONS EN CONTACT

Inscrivez-vous à la lettre d'information du JDM afin de garder en oeil sur l'actualité mahoraise

L'actualité

AVIS DE CONSTITUTION AUTO SHOP 976

139512
  Par acte SSP du 14/09/2022, il a été constitué une SAS dénommée : AUTO SHOP 976 Siège social : 25 Rue Bahoni 97615 Pamandzi Capital :...
+26
°
C
+27°
+24°
Mamoudzou
Samedi, 04
Dimanche
+25° +24°
Lundi
+25° +24°
Mardi
+25° +24°
Mercredi
+25° +24°
Jeudi
+25° +24°
Vendredi
+25° +24°
Prévisions sur 7 jours
Campagne, politique, Mayotte

Tribune – De l’art du discours à la formule

139512
Qui pour relever les défis de nos grands orateurs du passé ? Peu de noms émergent de la tribune de Madi Abdou N'tro, voire aucun, sur les dernières campagnes, laissant sans doute "un sentiment d'imposture" chez les électeurs

Départementales Sada : remaniements en vue au conseil départemental

139512
L’issue du scrutin a parlé : c’est donc le binôme Soula Saïd Souffou/Mariam Saïd Kalame qui intègre les bancs de l’assemblée départementale. Ce qui implique des réélections au menu du conseil départemental les jours prochains. Avec l’éventualité d’une refonte complète des vice-présidences, comme nous l’expliquons

Départementales partielles : Soula S. Souffou et Mariame S. Kalame élus avec 52,26% des voix

139512
Ils étaient en tête au premier tour, et ont creusé l’écart à l’issue du second : le binôme surprise Souffou/Kalame qui n’était pas présent sous cette configuration en 2021, est le nouveau duo d’élus qui intègre le conseil départemental.
Comores, Azali Assoumani

Comores : un ténor de l’opposition appelle à une désescalade politique

139512
L’ancien gouverneur de la Grande-Comores, Mouigni Baraka Said, estime qu’il est temps de dialoguer avec le président Azali Assoumani dans l’intérêt du pays et de la population. L’homme politique se reconnait toujours dans l’opposition mais s’oppose toutefois à "ces querelles sans fin et sans véritable perspectives de sortie de crise". Une démarche mal digérée par les autres opposants qui refusent tout dialogue avec le président Azali Assoumani depuis son élection le 24 mars 2019.
Départementale, Sada, Mayotte

Départementales partielles à Sada : Saïd Souffou-Mariam Kalame en tête

139512
Le 1er tour de l'élection partielle des conseillers départementaux du canton de Sada se tenait ce dimanche 25 septembre. Le canton est toujours scruté de prés pour être l'un des épicentres politiques locaux. Les élections...