CARNET DE JUSTICE DU JDM. Les élèves de 2nde 8 du lycée de Petite-Terre venus assister à l’audience correctionnelle ont eu droit à une démonstration du délicat exercice de la justice ce mercredi matin.
La principale affaire concernait un homme d’une quarantaine d’années, charpentier dans une entreprise de bâtiment, poursuivi pour une agression sexuelle présumée sur une petite fille de 6 ans en 2008. Le dossier est particulièrement difficile. Vide de preuves, c’est parole contre parole.
Ce type d’audience se déroule généralement à huis clos mais ce mercredi, l’absence de la petite victime présumée et de sa mère permet à l’audience d’être publique.
L’affaire éclate en mai 2012. Dans la région bordelaise où elle vit depuis quelques mois, une Mahoraise regarde la télévision avec sa fille. Le programme évoque un viol subi par une femme. La gamine, alors âgée de 10 ans, dit à sa mère : «à moi aussi, ça m’est arrivé». C’est le choc.
Un récit sans preuve
La mère se rend au commissariat et relate les faits racontés par sa fille. Quatre ans plutôt à Mayotte, elle avait passé quelques nuits dans la maison d’un couple, alors que sa mère s’était absentée du département. La petite dormait avec deux copines de son âge dans la même pièce que le couple. Mais une nuit alors que l’homme était seul, il aurait amené la fillette dans son lit et l’aurait violée. La petite décrit très clairement des actes de pénétration.
La procédure s’enclenche et logiquement la fillette subit un examen médical qui conclut pourtant à sa virginité et à l’absence de toute lésion qui pourrait accréditer son récit. Aucune séquelle psychologique n’est relevée.
L’enquête traine en longueur jusqu’au mois de septembre 2013 où l’homme désigné par l’enfant est enfin entendu à Mayotte. Il nie les faits. «Je ne l’ai jamais touché, je la considère comme une enfant de la maison», déclare-t-il aux enquêteurs. Mais la parole de l’enfant emporte tout : l’homme est mis en examen.
Une ligne de défense qui fait douter
Tout au long de la procédure, il sera convoqué à neuf reprises et devra se plier à une confrontation. Il va nier avec constance, mais sa ligne de défense est changeante : il évoque une vengeance de la mère de l’enfant avec laquelle il a eu une liaison, puis la volonté de cette femme d’obtenir de l’argent. L’enfant serait manipulée et serait devenue l’objet d’un chantage… des positions qui fluctuent et des détails dans le récit de ces nuits passées par l’enfant chez lui qui sont suffisamment flous pour jeter le doute sur sa sincérité.
Les questions musclées comme la plaidoirie de Me Simon, l’avocat de la jeune fille, font pencher la balance du côté de la victime présumée même si les 18 mois de prison avec sursis requis par le procureur témoignent de la fragilité du dossier.
Trop de zones d’ombre
C’est l’intervention de Me Cooper, l’avocate du prévenu, qui va changer la donne. Patiemment, elle reprend chaque élément de l’affaire, pointe les contradictions et surtout les nombreux détails qui changent au fil du temps : l’heure des événements supposés, les vêtements de la fillette, la période des faits, le sang dont on nous dit qu’il a coulé avant que la fillette ne parle plus de pénétration…
Me Cooper épluche enfin les comptes rendus des 9 auditions de son client pour pointer les «armes déloyales» utilisées par les policiers dans leurs méthodes d’interrogatoire. Elle retient surtout, au-delà des maladresses de langage de l’homme, sa constance dans la négation des faits.
Au final, à quelle parole accorder le plus de crédibilité ? Le tribunal ne peut se défaire de ses doutes. Il accède aux demandes de Me Cooper et relaxe l’homme mis en cause. Peut-être, pour lui, la fin de longues années de cauchemar.
RR
Le Journal de Mayotte
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