René Frégni est à Mayotte pour quelques jours. L’auteur marseillais est venu échanger avec les élèves et présenter ses œuvres. L’ancien mauvais garçon met à l’aise pour mieux amener les jeunes vers la littérature. Il était au lycée de Kahani puis au centre universitaire ce mercredi.
«Moi qui n’aie pas le brevet des collèges, je suis invité dans les universités aux Etats-Unis.» Devant son auditoire, l’écrivain René Frégni aime rappeler son parcours pour détendre l’atmosphère, sans pour autant faire oublier une œuvre qui pourrait impressionner. Publiés par la prestigieuse maison Gallimard, ses ouvrages sont traduits en 6 langues.
Au lycée de Kahani comme au CUFR ce mercredi, il sait trouver les mots. «Je suis rassurant pour les mauvais élèves parce que j’ai été un très mauvais élève», explique-t-il sans détour.
Après une adolescence passée dans les rues de Marseille, il voyage à travers l’Europe avant d’être jeté en prison à son retour en France. Arrivé quelques semaines en retard pour son service militaire, il doit purger 6 mois. «J’ai découvert les livres grâce à l’aumônier de la prison. Et dans les 7m² de ma cellule, 23 heures par jour, je lisais tant que mes yeux ne brûlaient pas.»
C’est aussi en prison qu’il s’essaie à l’écriture après avoir commencé, tous les soirs, par des lettres d’amour à une amie imaginaire.
Il prend des notes partout
L’auteur est venu à Mayotte partager un peu de sa vie et de ses passions avec les élèves mahorais à l’invitation de Louis Estienne. Le référent laïcité du vice-rectorat est un ami de l’écrivain. Il avait déjà eu l’occasion de le faire venir au Congo où il exerçait alors. Ce mercredi après-midi, devant des stagiaires futurs enseignants et des étudiants en lettres modernes de Dembéni, il s’est livré.
«Ma vie a basculé dans les livres en prison. J’ai fait les 400 coups et à partir de 19 ans, j’ai plongé dans la littérature et depuis je lis un livre tous les deux jours.»
Et il prend des notes, partout, tout le temps. Depuis deux jours qu’il est à Mayotte, il a couché des phrases sur les makis, sur le muezzin avec lequel il s’endort, sur les coqs avec lesquels il se réveille, sur les vêtements qui collent à la peau dès 8 heures du matin ou sur les chats qui sont aussi blancs que les gens sont noirs. «Je ferai probablement une nouvelle de 30 ou 40 pages sur Mayotte à mon retour», confie-t-il aux étudiants.
Des envies et de la légèreté
Eric Hourcade, Jean-Louis Rose et Magali Durrieu-Gardelle, tous les trois enseignants au centre universitaire, prenaient visiblement autant de plaisir que leurs étudiants.
«Nous voulions qu’ils prennent conscience de ce que peut apporter la présence d’un écrivain, l’échange avec un artiste. C’est important pour ces futurs enseignants et ces étudiants de faire une rencontre comme celle-là pour partir vers un ailleurs, éloigné de l’écriture scolaire. L’idée est qu’ils aient envie, plus tard, de faire voyager aux aussi», indique Eric Hourcade.
L’écrivain leur parle littérature, donne ses conseils sur une écriture épurée, sur le choix de mots simples et de phrases dépouillées. «Travaillez la légèreté et la grâce de la phrase. Quand Simenon terminait un manuscrit, il le secouait devant ses amis pour faire tomber les adverbes et les adjectifs !»
Le début d’un roman
Après la parole, l’écriture. Eric Hourcade souhaite mettre à profit l’expérience de René Frégni qui anime des ateliers d’écriture depuis des années. «Je ne suis jamais invité dans les lycées parisiens mais dans les établissements de banlieue», confie-t-il… Encore une fois, son parcours comme valeur d’exemple. «Je vais aussi dans des prisons. Je leur laisse une phrase et une semaine après, ils reviennent avec de petits romans.»
C’est donc à cet exercice que se sont pliés les étudiants, écrire un court texte à partir de la première phrase donnée par l’auteur. «Je vais vous donner une phrase qui peut ouvrir sur l’amour, l’érotisme, le crime, le doute, le voyeurisme… C’est une phrase qui permet tout», s’est amusé l’écrivain.
Le JDM vous la livre et vous invite, à votre tour, à l’écriture. «L’homme attend la nuit puis il se glisse dans le parc…»
RR
Le Journal de Mayotte
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