Réunion inédite à la préfecture ce mardi entre les représentants de tous les villages de la commune de Tsingoni, la préfecture, la municipalité, les religieux et les gendarmes. On s’est parlé pour changer le quotidien et repenser l’avenir.
Après les éclats de verre et de voix, après les agressions et les insultes, l’unanimité dans l’apaisement. Les événements de Tsingoni et Combani semblent déboucher sur une expérience inédite, une véritable tentative de se retrouver et de recréer un lien entre des voisins qui se déchirent.
Pour la première fois, des représentants de villages dont les conflits alimentent la chronique des tensions à Mayotte depuis des années, se sont installés autour d’une même table pour en parler.
«C’est quelque chose d’assez unique», s’enthousiasme Bruno André, le secrétaire général de la préfecture. «Chaque groupe accepte de se parler, tout le monde veut travailler ensemble. Bien sûr, il y avait encore de l’émotion, mais au-delà, une vraie parole partagée. Et de tous les côtés, des bonnes volontés qui se sont exprimées.»
Autour de la table, un phénomène rare : chacun a reconnu ses responsabilités et ses torts dans les événements des derniers jours comme dans le climat général qui se dégrade peu à peu au sein de la commune. «Nous sommes condamnés à travailler ensemble parce que la nature a fait que nous sommes tous de la même famille», lance le mairie Mohamed Bacar, dans une envolée lyrique comme il les affectionne.
Les mineurs à la maison
Beaucoup de propositions ont été faites essentiellement autour de la jeunesse et la responsabilisation des parents, appelés à (re)prendre tout leur rôle. Parmi elles, une qui sort du lot : «Nous sommes tous d’accord pour revoir le cas des mineurs qui circulent au-delà de 20 heures ou de 21 heures», indique le maire.
Pas question de parler de «couvre-feu», «nous ne sommes pas en guerre», insistait Mohamed Bacar. Mais l’idée est bien de mettre en place des dispositifs où les parents seraient obligés d’alerter les autorités locales s’ils ne savent pas où se trouvent leurs enfants passés ces heures. «Il faut impliquer les parents pour construire l’avenir des jeunes et de la commune. C’est la seule voie pour la stabilité et la tranquillité», tranche le maire.
«Nous avons aussi des problèmes spécifiques avec des enfants issues de familles très défavorisées et souvent sans-papiers qui ne voient rien pour leur avenir. Il va falloir s’en occuper et les épauler»… Une préoccupation probablement jamais entendue de façon aussi évidente et bienveillante dans la bouche d’un maire.
Des propositions dans un cadre institutionnel
Les propositions qui seront finalement retenues tombent au bon moment. «Nous avons un cadre dans lequel elles vont pouvoir s’inscrire», explique Bruno André, le secrétaire général de la préfecture. Les maires de Mayotte rédigent en effet actuellement les contrats de ville, dans le cadre de la politique de la ville, avec des objectifs éducatifs, d’insertion, sportifs…etc. Et les communes, dont Tsingoni, ont toujours les CLSPD (Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance) à vivre vivre… pour enfin, en faire quelque chose.
«J’ai demandé aux différents interlocuteurs de se fixer 4 ou 5 objectifs, qui seront des actions sur lesquelles travailleront l’Etat, le conseil départemental, la commune et les habitants. Il faut que ce soit des actions concrètes et mesurables pour qu’on puisse ensuite évaluer ce qui marche et ce que ne marche pas, d’où l’importance du cadre», relève Bruno André.
Et si chacun semble vouloir prendre ses responsabilités, les mentalités seront aussi longues à faire bouger. Ibrahim Boinahery, l’ancien maire, convenait lui-même ce lundi à Tsingoni que les pères vont sûrement devoir jouer un rôle plus important après de leurs enfants. «Je n’ai jamais amené mes enfants le soir quand ils allaient au sport. Et sous sommes très nombreux dans ce cas, c’est comme ça. Mais ce n’est vraiment pas bien», confiait-il au JDM.
RR
Le Journal de Mayotte
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