Du tribunal à l’insertion. Des jeunes pris en charge par la Protection judiciaire de la jeunesse, ont mis à l’eau le voilier qu’ils ont construit. Peut-être un nouveau départ dans la vie.
Christiane Taubira, la garde des Sceaux, avait visité le petit chantier naval sur Petite Terre, le 13 octobre dernier. Sans nul doute, elle sera ravie d’apprendre que le bateau qui n’était alors qu’une simple coque a été mis à l’eau hier mercredi. Les mineurs pris en charge à Dzaoudzi par la PJJ, la Protection judiciaire de la jeunesse, sont venus à bout de leur ambition : concevoir, fabriquer et faire voguer un «multi mono », un voilier école de 7,5 mètres.
«Ce qui est agréable avec les ados, quand ça ne va pas, on le sent tout de suite. Et je peux vous dire qu’ils étaient fiers», confie Hélène Nicolas, responsable de la PJJ à Mayotte.
L’atelier a ouvert ses portes en septembre 2012 avec l’achat par l’ACHM (association des croiseurs hauturiers de Mayotte) du kit bateau grâce à une subvention de la politique de la ville. Pour les jeunes intégrés à l’unité éducative d’activité de jour (UEAJ), il faut tout apprendre, des métiers du bâtiment (maçonnerie, électricité, plomberie, peinture…) à la mécanique (entretien, outillage, moteurs marins…) en passant par les métiers de la mer et de l’environnement (déchets, recyclage, professions embarquées…).
Retrouver l’estime de soi
Les objectifs visés sont évidemment bien plus larges que ces acquisitions déjà importantes. Dans ce projet, ils se retrouvent autour d’un but commun concret, ils doivent respecter les règles, les lieux et les personnes et ils peuvent, enfin, commencer à restaurer l’estime d’eux-mêmes.
Ce chantier est aussi une préparation pour un retour dans les dispositifs de droit commun dont ils étaient jusqu’à présent exclus, aussi bien les missions locales, les écoles et lycées professionnels, la recherche d’emploi.
Christiane Taubira avait parlé de ce projet* comme un exemple des réponses «diversifiées» à apporter à la dérive de la jeunesse, en alternative à l’incarcération ou dans le cadre d’un aménagement de peine.
Mieux qu’une peine, une véritable insertion
Cette insertion sociale, scolaire et professionnelle des mineurs est une des missions confiées à la PJJ. Dans le cadre des activités de jour, l’UEAJ de Mamoudzou développe depuis plusieurs années des activités de jour. «En plus du bateau, nous faisons de la scolarisation, de la lutte contre l’illettrisme avec une professeure des écoles mise à disposition, des ateliers d’horticulture et de mobilisation autour du BAFA. En 2014, nous avons 541 jeunes qui sont passés par la PJJ mais ce sont uniquement ceux qui ne sont pas scolarisés et qui sont sans projet d’insertion qui intégrent l’UEAJ», explique Hélène Nicolas.
Au total, une vingtaine d’adolescents ont été mobilisés pour la réhabilitation des locaux du chantier puis la construction du voilier et qu’ils ont baptisé «Jahazi ya leo» (le boutre moderne).
Un bateau pour de la prévention
Si la PJJ a offert à ces jeunes la possibilité de travailler sur un chantier grandeur nature, le partenariat avec l’ACHM permet à l’association de disposer d’un bateau conçu tout particulièrement pour l’apprentissage de la voile et les sorties pédagogiques. Il sera également mis à disposition des actions de prévention de la délinquance à Mayotte.
Et, bonne nouvelle, un deuxième bateau est déjà en chantier !
Après la mise à l’eau d’hier, pour ces jeunes constructeurs, il est temps de passer à l’étape suivante, la navigation sur le lagon comme dans la vie qu’on leur souhaite à l’abri de nouvelles tempêtes.
RR
Le Journal de Mayotte
*Un réseau de partenaires institutionnels, associatifs ou professionnels a soutenu le projet. Outre l’ACHM, on y trouve l’association de protection de la nature Oulanga na nyamba, l’école maritime de Petite Terre, Dago et Tama.
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