Bernard Chemin, le nouveau président du tribunal administratif (TA) était à Mayotte ces trois derniers jours. Il lance des chantiers pour doter la juridiction des outils de notre époque et satisfaire «le besoin de justice» des Mahorais.
«Je suis venu prendre la mesure de mon poste». Bernard Chemin, le nouveau président du tribunal administratif de l’océan Indien avance à pas feutrés à Mayotte qu’il est venu physiquement découvrir ces 3 derniers jours. Mais il arrive aussi avec une mission très claire : «Donner satisfaction au besoin de justice des Mahorais. Lorsqu’il y a un conflit, le juge administratif est là pour arbitrer ici comme ailleurs. Les Mahorais sont des citoyens français à part entière», précise-t-il pour mieux valoriser les missions de sa juridiction.
Jusqu’à présent, si l’activité du TA de La Réunion était assez proche de ses homologues de métropole, celui de Mayotte tranchait dans l’ensemble national. C’est de moins en moins vrai même si notre département garde des spécificités.
Un tiers des dossiers du TA concerne les droits de personnes étrangères, pression migratoire et nombre de reconduites à la frontière obligent. Les procédures d’urgence des référés liberté représentaient 167 dossiers en 2014.
Un autre gros tiers des requêtes concerne la Fonction publique : déroulement de carrière, indemnisation, licenciement, reclassement des anciens corps mahorais… Les sujets de contentieux sont nombreux.
800 contentieux à Mayotte en 2014
Enfin, le dernier tiers est une nouveauté à Mayotte, «une île qui n’est pas encore procédurière», note Bernard Chemin. Il s’agit de contentieux que l’on trouve partout ailleurs : questions fiscales, permis de construire, marchés… et les requêtes électorales. Elles étaient 24 après les municipales. On n’en compte, à l’heure actuelle, que deux après les départementales.
Au final, les affaires deviennent plus variées et plus classiques comparées à celles gérées dans d’autres départements, elles sont aussi plus nombreuses. Avec une progression de 20% des contentieux jugés l’an dernier, ce sont 800 dossiers qui ont été instruits à Mayotte en 2014, deux fois plus en 5 ans.
A noter que le délai moyen de jugement est compris entre 7 et 8 mois.
Recruter
Bernard Chemin a été nommé le 7 avril dernier pour un premier poste en Outre-mer. Pour autant, les problématiques ultramarines ne lui sont pas étrangères. Après 26 ans dans la juridiction administrative, il peut revendiquer d’avoir siégé 6 ans à la cour d’appel de Bordeaux, la juridiction en charge des contentieux dans les Outre-mer.
Il arrive à Mayotte avec trois chantiers à mener de front. D’abord, compléter les effectifs de la juridiction pour satisfaire la «demande de justice». Deux postes de magistrats n’étaient pas pourvus, cela devrait être chose faite rapidement.
Fini le papier, place à la dématérialisation
Ensuite, Bernard Chemin lance le TA dans la dématérialisation. Dès le 8 juin, l’application «Télérecours» sera obligatoire pour les services de l’Etat et vivement conseillée aux collectivités territoriales et aux professionnels, dont les avocats. L’intégralité des dossiers est consultable en ligne, y compris les pièces jointes, les mémoires et la notification de décision, et l’intégralité des juridictions s’y trouve, y compris le Conseil d’Etat.
L’océan Indien est la première juridiction ultramarine à intégrer le dispositif qui existe depuis 2013 en métropole. Le président devrait d’ailleurs revenir à Mayotte dans deux semaines accompagné d’Anne Guérin, conseillère d’Etat, pour signer une convention tripartite TA-Conseil d’Etat-Barreau de Mayotte pour faire rapidement disparaître le papier des dossiers et fluidifier le fonctionnement de ces trois entités.
Exalté
Enfin le 3e chantier est davantage physique puisqu’il concerne les locaux qui vont s’étendre et gagner une véritable salle des délibérés et des bureaux à la fin de l’année.
«Je ne viens pas pour mettre le feu mais pour faire évoluer la juridiction administrative et tendre vers une plus grande satisfaction de tous», indique Bernard Chemin.
Les 9 magistrats et les 15 agents de greffe (dont 5 à Mayotte) savent ce qui les attend. Leur nouveau président espère se lancer dans une «aventure exaltante».
RR
Le Journal de Mayotte
Comments are closed.