Le parquet demande de plus en plus de peines de prison, même courtes, dans des affaires de violence. Illustration de cette nouvelle orientation de la politique pénale avec les dossiers jugés en comparution immédiate cette semaine.
Une politique pénale plus répressive contre les actes de violence. L’orientation a été annoncée à l’audience solennelle de rentrée du tribunal de grande instance de Mayotte par le procureur de la République Joël Garrigue. Elle devient une réalité, au fil des audiences.
Ainsi, depuis quelques semaines, les comparutions immédiates, qui permettent à la justice d’instruire des dossiers quelques heures après l’interpellation des protagonistes, donnent lieu aux mêmes réquisitoires : un minimum d’un mois de prison est demandé accompagné d’un mandat de dépôt, c’est-à-dire une incarcération immédiate et un départ pour Majicavo dès la fin de l’audience.
«Même si les juges ne suivent pas toujours le réquisitoire et si le mandat de dépôt ne tombe pas à chaque fois, à la barre, les prévenus ont entendu le mot ‘prison’. Ils savent qu’il y a une autorité qui a demandé qu’on les y envoie», relève Joël Garrigue, le procureur de la République.
Ce mercredi par exemple, c’est contre un jeune homme de 21 ans que le procureur Léonardo a requis 8 mois de prison dont un ferme assorti du mandat de dépôt.
Graves blessures de la main
Le jeune adulte était en garde à vue depuis son interpellation, la veille. Les faits qui lui sont reprochés remontent à la fin du mois de mars. Sur la plage à Bandrélé, la nuit est déjà tombée lorsqu’il croise un mineur avec lequel il a eu un différend peu de temps auparavant à propos d’une casquette.
Immédiatement, la colère le submerge. Tandis que le mineur tente de prendre la fuite, le prévenu lance un long couteau en direction du fuyard. Fin de la scène. Début de l’affaire.
Arrivé chez lui, le mineur se rend compte qu’il a la main gauche en sang. Le couteau l’a bel et bien percuté même si dans sa course, en pleine nuit, personne ne l’a vu. Il est amené aux urgences du CHM : le couteau a provoqué des plaies graves et profondes avec le sectionnement de plusieurs nerfs et tendons. Le certificat médical indique 14 jours d’ITT qui pourraient être prolongés et un fort risque de lésions durables.
Le jeune homme mis en cause n’est pas un mauvais garçon, son casier judiciaire est vierge. Comme cela arrive parfois dans ce genre de dossier, il est coincé dans la misère.
Jeté dans la rue par sa mère
Il s’est fâché avec sa mère depuis qu’elle a refait sa vie avec un homme il y a deux ans. Il s’est fait chasser de la maison et il en souffre profondément. Ainsi, depuis deux ans, il vit chez des amis, des cousins ou dans la rue. Il travaille régulièrement à la carrière pour porter des parpaings et se faire un peu d’argent, 40 euros par jour travaillé… Qu’il dépense dans des bières pour oublier une situation familiale qui le rend triste. Pour voir ses frères et sœurs, il doit se rendre en cachette de sa mère dans sa maison. «Je bois tous les jours pour avoir sommeil», dit-il mais il semble sincère quand il affirme vouloir s’en sortir et résoudre ses problèmes familiaux.
Cette fois-ci, le procureur Léonardo justifie la demande de mandat de dépôt par la volonté de «le secouer». «Il faut un moment de rupture, assez rapide, mais il faut une césure pour lui éviter de commettre à nouveau ces faits-là», estime-t-il.
Changer de cours d’une vie
La plaidoirie de Me Julien Chauvin permettra au jeune homme d’éviter la prison ferme. Condamné à 6 mois avec sursis et 2 ans de mise à l’épreuve, il devra également se plier à des obligations de soin, de travail et de formation. «Le tribunal a estimé qu’il a eu une prise de conscience», a expliqué la juge. «Si vous vous prenez en main et que vous arrivez à résoudre vos problèmes d’alcool, beaucoup de choses vont s’ouvrir à vous», a-t-elle expliqué au jeune qui avait commencé un CAP avant de renoncer.
Avoir le sentiment d’échapper de peu à de la prison ferme, peut en effet avoir du bon. Il y a quelques jours, nous vous racontions l’audience d’un jeune qui avait donné un coup de tête à un gendarme, le lendemain de ses 18 ans.
L’audience a visiblement fortement marqué le jeune homme. Depuis lundi, non seulement il a enclenché toutes les démarches imposées par le tribunal mais il a fait bien plus.
Il s’est rendu à la caserne de Petite-Terre pour rencontrer les gendarmes avec lesquels il avait eu le violent accrochage. Il leur a présenté ses excuses, promettant qu’une telle scène ne se reproduirait plus. Le gamin, qui depuis quelques mois semblait aspiré par une spirale infernale, pourrait, bel et bien, avoir donné un autre cours à sa vie.
RR
Le Journal de Mayotte
Comments are closed.