La ministre Pau-Langevin aura marqué sa présence aux festivités entourant l’abolition de l’esclavage par cette phrase. Elle replace le contexte historique de l’île, totalement différent des autres territoires en rappelant que les esclavagistes n’étaient pas des colons à Mayotte.
Nous célébrons aujourd’hui comme partout en France l’abolition de l’esclavage. Une journée qui s’inscrit à Mayotte dans le Festival annuel des Arts traditionnels, le FATMA, « véritable musée vivant tant l’événement révèle les richesses d’un patrimoine préservé par la population de Mayotte depuis plusieurs siècles (…) et le plus souvent hérité de la période, ô combien douloureuse, de l’esclavage », soulignera le président du département Soibahadine Ibrahim Ramadani dans son discours d’inauguration.
La ministre guadeloupéenne des Outre-mer, George Pau-Langevin, était à ses côtés pour se féliciter du décret du 27 avril 1848 qui abolissait l’esclavage partout en France. Mais soulignait la spécificité de Mayotte dans ce domaine également : « ce n’était pas ici la traite transatlantique, comme ailleurs. Si Mayotte a souhaité intégrer la République, c’était pour se défaire de l’esclavage. »
Une phrase qui fera date, et qui rappelle, comme l’indique un article de Siti Yahaya dans « In situ-la revue des patrimoines », que les esclavagistes étaient des notables locaux ou régionaux à Mayotte : « Dans les paroles, la réalité de l’esclavage est le plus souvent occultée, (..) la mémoire de l’esclavage se heurte notamment au fait qu’il leur est difficile de concevoir que l’esclavagiste n’était pas un étranger mais un des leurs. En effet, ce sont des Mahorais qui réduisaient d’autres Mahorais en état d’esclavage.»
Mieux regarder « d’où on vient »
Par contre, cet état de servitude ne prend pas totalement fin à Mayotte aussitôt le décret voté. Le statut de travailleur « engagé volontaire » lui succède, notamment dans les plantations sucrières dont les patrons sont des colons, avec une obligation de servir la société, sous condition de rémunération de salaire au bout de 5 ans.
La parole d’une ministre ultramarine sur ce sujet fera date, surtout qu’elle se double d’un appel à faire vivre cette mémoire davantage dans la réalité mahoraise, « surtout sur cette spécificité ». Sont visées les références à la « justice coloniale », aux reproches parfois violents d’un « Etat colonial ». Pas innocent quelques jours après l’ouverture critiquée d’une inscription au patrimoine historique de certaines cases de la rue Sarahangué…
Cette remise à niveau historique montre bien l’urgence de se doter d’un musée, dont la préfiguration, détaillée dans le JDM, doit ouvrir en ce mois de mai, et qui bénéficie comme vient de le rappeler la ministre d’un premier investissement de l’Etat de 400 000 euros.
« Quand on ne sait pas où aller, il faut regarder d’où on vient », conclura la ministre qui aura pris le temps d’écouter le groupe Tausi, « paon » en swahili, venu de Zanzibar en invité d’honneur : un groupe de femmes, 3 accordéons, 2 violons, djembés et gaboussi, accompagnés de deux kanouns, « instrument plat à corde qui nous vient du Liban et d’Egypte », nous explique un représentant de l’UNESCO, à Mayotte pour le FATMA 2015.
Il se termine ce lundi, avec de 10h à 13h un m’biwi traditionnel place de la République et de 15h à 19h le grand carnaval sur la rocade de Mamoudzou.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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