Le concept est encore flou, mais l’idée est là : fédérer quelques producteurs agricoles pour proposer aux clients des fruits et légumes mahorais toute l’année. Une étude est en cours de bouclage, reste à trouver les financements.
D’autres s’y sont essayés et s’y sont cassés les dents : Eric Bouyer, avec son cabinet conseil Berix développement, ne veut pas d’un concept mzungu de vente de produits frais locaux qui ne tiendrait pas la route, et qui ne satisfaisait qu’une partie des habitants.
Il a donc frappé à la porte de la Chambre d’agriculture de la pêche et de l’aquaculture de Mayotte qui lui a donné carte blanche pour mener à bien son étude, comme il le rapporte : « il s’agit de mettre en place un réseau de distribution de produits agricoles mahorais, en impliquant les gens qui travaillent sur place et en donnant à l’ensemble un look sexy. »
Et un look sexy pour Eric Bouyer, c’est un magasin qui reprend à la fois le concept ouvert de la vente au bord des routes, mais moderne, « avec les normes d’hygiène, de sécurité au sein d’une structure agréable à l’œil et innovante », comme le montre les trois planches descriptives qu’il exhibe aux côtés de quatre jeunes filles.
Car lorsqu’on part de rien, une étude de marché s’avère indispensable. Et comme vient de s’ouvrir une école supérieure de commerce et de gestion à Mayotte, c’est vers elle que les pas de notre conseiller en projet se sont dirigés.
Quatre étudiantes ont donc arpenté, questionnaires en main, les abords du Comité du tourisme à Mamoudzou, mais aussi Dzoumogné et Chirongui, pour connaître les attentes des consommateurs : « les gens sont plus accueillants dans le sud, au nord de Mayotte, ils sont plus méfiants, ils ont moins de temps à nous consacrer », remarquent Sitty, Naïma, Nassuhati et Zoulaykhah.
Incertitude sur l’origine des produits en bord de route
Après dépouillement, l’étude montre que sur 132 personnes interrogées, 84% sont solidaires de l’agriculture locale, et 42% trouvent logiquement qu’elle est sous-développée. En conséquence de quoi, l’espoir de voir s’ouvrir un magasin de produits locaux se mue en véritable plébiscite : quasiment la totalité des personnes interrogées, alors que les 35% qui achètent sur le bord de la route, ou la même proportion au marché couvert, ne sont pour la moitié d’entre elles, pas du tout satisfaites.
« L’incertitude quant à l’origine des produits vendus sur ces deux lieux joue, en particulier la crainte que certains aient été volés et revendus à la sauvette » commente Eric Bouyer. 15% d’entre eux annoncent acheter en grande surface, se réjouissent de la traçabilité et de l’hygiène, alors que les autres consommateurs y dénoncent une trop grande quantité de fruits et légumes importés.
Autre problématique soulevée par les étudiantes, « les mots génériques ‘fruits’ et ‘légumes’ n’existent pas en shimaore ». En tout cas, l’étude fait apparaître un besoin en consommation de bananes vertes (62%), de manioc (37%), de tomates (30%), de mangues et de fruits à pain.
Une marque territoriale
Pour y arriver, il faut vaincre la plus grosse difficulté : trouver des producteurs fiables qui vont fournir les produits. « En 6 mois de présence sur le territoire, j’ai identifié une dizaine de Groupement de valorisation agricole, sortes de coopératives, qu’il va falloir organiser en réseau de commercialisation », retrace Eric Bouyer qui indique une future participation de la Direction de l’agriculture, avec un possible investissement dans la structure, un projet qui pourrait bénéficier de fonds européens… Un premier « magasin-épicerie » de 150 m2 pourrait être implanté sur la commune de Mamoudzou.
L’aboutissement sera d’obtenir une marque territoriale, un label pour des produits phares de Mayotte, comme la vanille, les mangues ou les bananes.
Il en est certain, Eric Bouyer : il est en train de créer une success story, en incorporant pourquoi pas ultérieurement les filières pêche et bovine « on va créer des emplois ».
Celui qui se dit habitué aux difficultés « pour être parvenu à implanter de la lingerie féminine en Arabie Saoudite », se heurte à l’absence de motivation des acteurs qui encadrent la filière agricole, et à la lenteur de la structuration de l’agriculture mahoraise. Il ne compte pas baisser les bras et était reçu en préfecture ce mardi après-midi.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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