L’état des collectivités, les cadis, l’autonomie du département… autant de sujets abordés avec le président du Conseil économique, social et environnemental (CESE) national, arrivé ce lundi à Mayotte. Le représentant de la troisième assemblée de France, derrière l’Assemblée nationale et le Sénat, a accordé une interview exclusive au JDM.
JDM : « C’est la première fois que vous venez à Mayotte, mais vous connaissez déjà l’île… »
Jean-Paul Delevoye : «Oui, car dès mon élection en 2010, j’ai voulu la création de la Délégation Outre-mer qui traite de tous les problèmes communs aux territoires ultramarins. Plusieurs rapports ont été produits, qui peuvent aller des problématiques des plateaux continentaux à l’insertion des jeunes. Le dernier portait sur les échanges que nous avons eus avec trois associations Caritas-Secours Catholique, Apprentis d’Auteuil et Médecin du Monde à propos de la jeunesse de Mayotte, qui a donné lieu à une restitution de qualité en direct.
J’ai une obsession : que les élus métropolitains voient les Outre-mer comme une chance à l’heure de la mondialisation. Il faut notamment envisager Mayotte comme un territoire d’expérimentation, que le préfet puisse adapter les objectifs publics à la situation locale. »
Vous qui avez présidé une mission sénatoriale sur le bilan de la décentralisation en 2000, pensez-vous les objectifs atteints à Mayotte ?
Jean-Paul Delevoye : « Il y a des méthodes, des chemins, des temporalités à adapter : on ne peut pas basculer d’un coup d’une société traditionnelle au XXIème siècle. Lorsqu’on se donne comme objectif l’apprentissage du français par exemple, il faut peut-être ici s’appuyer sur les langues vernaculaires. Nous devons être ferme sur les objectifs, souples sur les moyens pour les atteindre »
« Pas d’administration cadiale »
Vous avez travaillé sur l’implantation à Mayotte de la fonction publique avec Abdou Dahalani, président du CESE Mahorais en 2010. Quels sont les leviers d’amélioration ?
Jean-Paul Delevoye : “Au delà du statut, il faudra aider les collectivités locales à sortir du piège dans lequel elles sont tombées. On ne peut pas jouer le rôle d’amortisseur social et impulser un développement économique. Elles risquent d’être incapables de répondre à un cofinancement des programmes économiques du département. »
Vous avez rencontré le Grand Cadi ce lundi après-midi. Un signe fort pour leur réhabilitation ?
Jean-Paul Delevoye : « En tant que médiateur de la République (poste qu’il a occupé jusqu’en 2011, ndlr), j’ ai travaillé sur le fait religieux. Notre système économique peut créer de l’exclusion, mais le système religieux peut être facteur de violences communautaires. Il faut des lieux d’apaisement. C’est pour cela que j’ai voulu rencontrer les cadis. Ce sont des autorités morales et ils ont démontré qu’ils jouent parfaitement leur rôle de médiateurs. »
Jusqu’à mettre en place une administration cadiale ?
Jean-Paul Delevoye : « Non, on ne pourra pas aller jusqu’à adopter une administration cadiale. La constitution française est basée sur la laïcité, elle ne peut se permettre d’avoir une administration religieuse en son sein. On peut par contre mettre en place des contractualisations qui permettraient de concilier les exigences de la République et celles des autorités morales. »
Jean-Paul Delevoye est accompagné de Gérard Grignon, président de la délégation à l’Outre-mer du CESE. Ils visiteront demain le BSMA (Bataillon du Service Militaire Adapté) que le président du CESE considère comme « un modèle d’insertion particulièrement réussi », et que le président Hollande adapte dans l’Hexagone. Ils auront réservé leur matinée au secteur agricole.
L’après-midi, la délégation visitera le Pôle Mère-enfant du Centre hospitalier de Mayotte qu’avait inauguré George Pau-Langevin.
Mercredi c’est le Centre de rétention administrative (CRA) qui accueille quotidiennement les migrants, qui sera le but de la visite avec un passage par le nouveau CRA en construction.
C’est par la rencontre avec leurs pairs du CESE Mahorais que se terminera la visite de Jean-Paul Delevoye et Gérard Grignon.
Propos recueillis par Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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