CARNET DE JUSTICE DU JDM. A la tête de son entreprise de sécurité, le patron avait oublié de déclarer les heures supplémentaires de quelques-uns de ses salariés. Six d’entre eux sont allés signaler leur cas à la direction du travail de la Dieccte, et la procédure était lancée. Un an et demi après les faits, voici l’entreprise et son chef devant le tribunal correctionnel.
On ne parle pas de quelques heures sup’ oubliées par-ci par-là. C’était bien un système mis en place par l’entreprise dans son fonctionnement quotidien. Tout au long de l’année 2013, ce sont 3.839 heures qui n’apparaissaient pas sur les feuilles de paye des 6 salariés, certaines avec des cotisations sociales habituellement majorées à 25% et d’autres à 50%… soit tout de même, une moyenne de plus de 53 heures par salarié et par mois.
Un marché trop concurrentiel
L’entrepreneur fut plusieurs fois appelé par la Dieccte, des rendez-vous auxquels il avait délégué une secrétaire. C’est finalement à une convocation des gendarmes qu’il a fini par répondre pour expliquer simplement la situation : «Dans le cadre de mes activités de surveillance, compte tenu des risques et de la concurrence, les coûts de revient sont compris entre 12,75€/heure et 13,10€/heure. Et le prix de vente est de 13,35€/heure. C’est pour cette raison que nous n’avons pas la possibilité d’appliquer le régime des heures supplémentaires».
En clair, le marché de la sécurité est tellement concurrentiel qu’il pousse les sociétés à frauder pour pouvoir survivre. D’ailleurs, malgré ces manquements, les chiffres des bilans de la société ne laissent apparaître que des bénéfices très réduits voire des déficits pour quelques milliers d’euros.
L’amertume des anciens salariés
Les salariés assistaient à l’audience ou plutôt les anciens salariés car depuis, l’activité a été reprise par une autre société de sécurité qui a licencié les personnes. Le patron, lui, n’est pas venu à la barre, pour raison médicale. «Il essaie d’échapper à la procédure car il sait que l’infraction est caractérisée», plaide Me Soihili, l’avocat d’un des salariés, qui mène également une procédure devant le tribunal de travail.
Me Saliceti, nouvellement arrivée à Mayotte, défendait les 5 autres prévenus. Elle demandait 5.000 euros au titre du préjudice moral.
«L’amertume des salariés est partagée par le parquet», indiquait la procureure Prampart en préambule de ses réquisitions, mettant en avant le préjudice pour les salariés mais aussi la situation de concurrence déloyale que cela induit pour les entreprises qui respectent la législation du travail. Sans parler du manque de cotisations pour la sécurité sociale qui se monterait à près de 40.000 euros.
La procureure demande 20.000 euros d’amende dont la moitié avec sursis pour l’entrepreneur et 25.000 euros d’amende dont 10.000 euros avec sursis pour la société.
Formalisme et le développement
Me Kondé qui avait en début d’instruction longuement plaidé pour obtenir la nullité des citations et de la procédure, a mis en avant l’état d’un secteur condamné à la concentration jusqu’à peut-être tomber entre les mains d’un tout petit nombre d’acteurs. «Le secteur de la sécurité a vécu de véritables tsunamis de réglementations depuis la mise en place de l’obligation de carte professionnelle en 2008», défend-il.
Pour lui, au-delà des textes, «il faut trouver un juste équilibre entre le formalisme et le développement économique nécessaire».
La société a été condamnée à 5.000 euros d’amende et l’entrepreneur à la même somme mais avec sursis. Faute de justificatifs, les dommages et intérêts pour préjudice moral des anciens salariés sont écartés par le tribunal. La société et son patron devront tout de même verser 1.000 euros de frais de justice aux 6 victimes.
Le combat des anciens salariés de la société de sécurité va maintenant se poursuivre devant le tribunal du travail.
RR
Le Journal de Mayotte
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