Mayotte subit un recul de la fréquentation touristique de 4% en 2014. Une enquête traduit cependant leur satisfaction. Comment résoudre cette équation de touristes séduits par l’attrait touristique de l’île mais qui hésitent à venir ? Peut-être en leur allouant des espaces préservés, répondent les professionnels.
C’est en tout cas pour tenter de répondre à cette question que Michel Ahamed, directeur du Comité départemental de tourisme de Mayotte (CDTM) et Jamel Mekkaoui, chef du service régional de l’INSEE (Institut national de la statistique et des études économique) avaient convié la presse ce mercredi 17 juin.
Ils ont été 4% de moins à venir faire du tourisme à Mayotte. L’enquête de l’INSEE porte sur 14.791 fiches de passagers questionnés au départ de l’île. Notre destination s’était pourtant refaite une santé après les événements sociaux de 2011, en affichant en 2013 52.400 touristes, soit quasiment le niveau de 2010. On pouvait espérer une poursuite de la progression, mais ils n’étaient que 50.500 en 2014, la progression s’est arrêtée : « peut-être a-t-on atteint un seuil en terme d’accueil touristique ? », interroge Michel Ahamed.
Car l’offre touristique avec un grand O, capacités d’accueil, activités et hébergements, n’a pas évolué : « nous sommes inquiets à ce sujet. Cela appelle une réaction de l’ensemble des acteurs publics, privés, départementaux, communaux, des chambres consulaires, etc. Pas un seul hôtel en 10 ans, pas de liaison directe depuis la métropole et des billets qui sont toujours aussi chers ! »… On sent Michel Ahamed agacé par une inertie générale, « nous faisons notre boulot en allant vendre la destination sur les salons, mais il nous faut de nouveaux arguments. » Un déblocage du foncier pour les hôtels et chambres d’hôtes de la part des propriétaires que sont l’Etat ou le département, et la recherche d’investisseurs devient indispensable.
Un rapport qualité-prix défavorable
C’est notre principale source qui est touchée : les Réunionnais sont 7,6% de moins à être venus. « Ils sont réceptifs aux échos d’insécurité qui leur arrivent de Mayotte, c’est presque Bagdad pour eux ! », souffle Michel Ahamed. Sans compter que le tourisme mondial est en souffrance, « plus particulièrement en Europe », rajoute Jamel Mekkaoui, « nous devons réorienter notre cible vers l’Asie. »
C’est d’ailleurs ce qu’a fait l’île Maurice, qui a attiré 5% de touristes de plus en 2014, mais difficile pour Mayotte d’être à la hauteur des prestations proposées, « sur la qualité de l’hébergement, mais aussi en tarif aérien. Il en coutera 350 euros à un Réunionnais pour s’y rendre quand il devra débourser au moins 500 euros pour venir à Mayotte ! ».
Car si les touristes sont satisfaits de l’accueil à Mayotte, le principal reproche porte sur le rapport qualité-prix, du voyage et des prestations en général. La destination n’arrive donc pas à être concurrentielle.
Des zones protégées à vocation touristique
Pourtant l’impact pour l’économie peut être vitale dans un contexte où Mayotte est à la recherche de fonds pour invertir dans les projets structurants : « le tourisme n’a rapporté que 26 millions d’euros en 2014 à notre économie, justement parce que plus de la moitié viennent pour voir de la famille et des amis, sans véritable répercussion dans l’économie. Nous n’arrivons toujours pas à attirer les touristes d’agrément, ceux qui dépensent dans les hôtels et les restaurants. »
Si l’attrait touristique ne se dément pas, c’est que les vacanciers sont peu impactés par la montée de délinquance selon Jamel Mekkaoui : « certains pays sont touristiques et malgré tout très insécuritaires comme le Kenya, l’Afrique du Sud ou Madagascar. Simplement, les touristes ne se baladent pas partout, et des endroits préservés leur sont proposés. »
Faut-il aménager des zones protégées à vocation touristique plutôt que des Zones de Sécurité Prioritaire ? « C’est toute la place du tourisme dans la politique publique qui est ainsi questionnée. A Maurice, c’est la priorité car au niveau des ressources, c’est un impact majeur dans l’économie, il en va de leur survie. Faut-il sécuriser davantage les touristes que la population sur place ? Peut-on faire les deux ? Ce sont des questions qui doivent donner lieu à un véritable débat entre politiques », explique le directeur de l’INSEE.
Ne serait-ce que se pencher sur la question peut rapporter beaucoup à notre île dont le tourisme reste le levier de développement prioritaire.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
Comments are closed.